Depuis le 1er juillet, le Portugal assure la présidence de l'UE, un challenge difficile au regard des refontes institutionnelles engagées. Le Portugal assure depuis ce 1er juillet, et pour les six mois qui viennent, la présidence de l'Union européenne. Eu égard aux derniers événements qui ont marqué l'Union, il est peu de dire que Lisbonne va devoir faire preuve de beaucoup de diplomatie et de patience pour éviter une crise politique non seulement entre les partenaires, mais aussi entre l'UE et les pays tiers. Le Premier ministre portugais, José Socrates, a annoncé, en fin de semaine dernière, les priorités que son pays entend mener à terme d'ici la fin décembre. Il s'agit, bien évidemment, de la refonte des traités de l'Union aux fins d'un seul traité simplifié; de la modernisation de l'économie et du rôle de l'UE dans le monde. Malheureusement, sur ces trois piliers de la construction européenne, des désaccords de fond subsistent entre les 27 partenaires. A commencer par ceux apparus lors du dernier Conseil du 21-23 juin, sur la réforme des institutions. Les 27 pays se sont quittés sans avoir rien résolu, excepté le principe d'un traité simplifié. Or, toute la question est de savoir le contenu de ce futur traité. Rappelons que les oppositions ont été vives et tranchées entre des pays comme l'Allemagne, la France, l'Espagne d'un côté, et d'autres comme les Pays-Bas, la Grande-Bretagne de l'autre. Ou encore, ceux qui ont fait cavalier seul comme la Pologne et la Tchéquie. Jamais peut-être, l'UE n'a «pondu» un communiqué final aussi illisible et incertain que celui de juin dernier. Arrivés à Bruxelles le 21 juin avec des revendications aussi différentes qu'opposées, les chefs d'Etat et de gouvernement sont repartis avec les mêmes différences tout en se félicitant qu'ils ont un accord commun. C'est pourquoi le ministre des Finances portugais, Fernando Dos Santos a averti, samedi dernier, des risques politiques qui pèsent sur l'Union: «Si un pays, quel qu'il soit, ne respecte pas son engagement, cela soulèvera un problème politique et non pas juridique. C'est pourquoi j'alerte la France sur ce que sera la réaction de ses partenaires.» Le ministre faisait allusion au refus de la France à l'entrée de la Turquie dans l'UE. Ainsi, le président français, Nicolas Sarkozy, qui a annoncé vouloir sortir l'UE de sa torpeur, voire l'inspirer par le modèle français, va vite se rendre compte que l'UE n'est pas aussi subjuguée qu'il le croit par le modèle français. Au contraire, la présidence portugaise a rappelé l'avertissement déjà donné par la Commission européenne à la France, quant à son respect des critères de Lisbonne, dont celui d'un équilibre budgétaire dans ses finances publiques (moins de 3% du PIB). Le chef du gouvernement portugais a abondé dans le même sens. L'autre risque de blocage pour la rédaction d'un traité simplifié est suspendu à l'évolution de l'attitude de la Pologne. Cette dernière a pu, après le Sommet de juin, repartir avec la certitude de pouvoir renégocier le système de vote (pondération des voix). Quant à l'Angleterre, elle a évité d'une part, que la Charte des droits fondamentaux ait un caractère contraignant et d'autre part, son indépendance sur les questions de défense et de politique étrangère. C'est pourquoi on ne sait pas comment le Portugal va impulser un rôle clé de l'UE dans le monde avec de telles divergences. Lui qui a fait de la relance de la coopération de l'UE avec l'Afrique et le sud de la Méditerranée une priorité de sa présidence. Le Portugal a inscrit l'Afrique et la Méditerranée comme une priorité de la politique étrangère de l'UE Le Premier ministre, José Socrates, a dénoncé «l'indifférence européenne à l'Afrique» et le manque d'engagement dans le défunt processus de Barcelone. 78 pays d'Afrique, du Pacifique et des Caraïbes (le groupe ACP) sont engagés par l'accord de Cotonou de 2000, en remplacement de la Convention de Lomé, dans une coopération tous azimuts. Le principal objectif de cet accord est de mettre en place, à partir de 2008, des accords de partenariat économique (APE) entre l'UE et les pays ACP regroupés dans des entités régionales. Le problème c'est que l'UE presse les pays ACP à signer ces APE au plus tard le 31 décembre prochain. Auquel cas, le système des tarifs préférentiels accordés jusque-là, aux produits agricoles africains seront supprimés. Et tout cela sera alors négocié au sein de l'OMC. Le commissaire au commerce extérieur de l'UE, Peter Mandelson, a affirmé dernièrement que «si les négociations en cours des APE devaient échouer, les conséquences seraient dramatiques pour l'Afrique comme pour l'UE», C'est dire combien de défis attendent le Portugal pour les six mois à venir. L'autre aspect de politique étrangère inscrit dans l'agenda de Lisbonne, à savoir la relance de la coopération avec les pays du sud de la Méditerranée, ne prête pas à la clarté. D'abord, l'échec du défunt processus de Barcelone engagé depuis 1995 est patent. Sur ce point, le Parlement européen l'a reconnu et fait endosser l'échec, d'abord à l'Union. La Politique européenne de voisinage (PEV) qui a pris, depuis janvier 2007, la relève du processus de Barcelone, dépasse les frontières de la Méditerranée. Elle englobe des pays du Caucase et ceux du Moyen-Orient. Certains voient dans ce projet européen, une réponse au fameux GMO américain. D'autant plus que la PEV a été conçue sans concertation avec les pays tiers. «C'est une offre européenne», ont déclaré les dirigeants européens. Cela veut dire, à prendre ou à laisser. C'est donc, avec un discours de progrès et de soutien à l'Afrique et au sud de la Méditerranée que le Portugal aborde sa présidence de l'Union. Mais cela suffira-t-il à une coopération mutuellement bénéfique aux partenaires? Sinon, comment expliquer l'idée du président français, Nicolas Sarkozy, de souhaiter la création d'une Union méditerranéenne? Comme si ce chevauchement de projets et contre-projets engagés ne suffisait pas, le projet de Sarkozy réussira-t-il là où l'Europe entière a échoué depuis 30 ans?