Zohra Drif faisait partie du groupe de choc de La bataille d'Alger avec Hassiba Ben Bouali et les Djamila d'Alger. Son mari, feu Rabah Bitat, était membre fondateur du FLN. Elle est vice-présidente du Sénat. L'Expression: Quelle est la symbolique du 5 Juillet, aujourd'hui, chez l'homme de la rue? Z.D.B: Chez l'homme de la rue, la société a beaucoup évolué. La génération de la lutte de Libération est en train de partir. Mais le 5 Juillet reste une date-phare de l'histoire de l'Algérie. Ce jour-là, la souveraineté a été reconquise. Les Algériens sont devenus citoyens à part entière dans leur pays. Ces générations (nouvelles) ont obtenu ce que les nôtres n'ont pas eu. Est-ce que les festivités sont organisées comme le 14 Juillet en France, par exemple? On ne peut comparer avec d'autres pays. Entre novembre 1954 et juillet 1962, c'était inimaginable. Cela relevait du domaine de l'impossible. Ce fut une immense révolution, y compris dans l'inconscient de ceux qui ne l'ont pas vécue. Je pense que le 5 Juillet est célébré dans toutes les régions du pays. Une célébration acceptable, selon vous? Oui, elle est marquée par des cérémonies officielles. On ne sait pas s'il y a des nuits dansantes (rires). On reproche à votre génération le fait de ne pas avoir transmis le message du 1er Novembre. C'est vrai que les reproches existent. Je réponds simplement qu'en 1962, nous avions une tâche énorme de construction d'un Etat, d'un pays complètement ravagé par la guerre, exploité pendant plus d'un siècle par un autre pays...Cette construction devait se faire avec un peuple analphabète dont une infime minorité avait une formation mais ne disposant d'aucune expérience de l'Etat. Ma génération n'a pas pensé à se tourner vers le passé. La guerre a été très dure. Il fallait donc laisser le temps au temps pour pouvoir surtout dominer son passé. Les acteurs de la Révolution n'ont pas laissé de témoignages non plus. A part quelques responsables, chacun a vécu une partie; il n'y a pas une vision d'ensemble. Il y a aussi un temps de décantation, un refus de retourner sur le passé. Faut-il demander réparation aux Français? C'est l'histoire qui nous a été imposée. La parenthèse de 132 ans nous a dépossédés de nos biens et de notre culture. C'est à nous de reprendre possession de notre histoire afin qu'elle soit rétablie dans sa vérité. Je n'attends pas de la France qu'elle écrive mon histoire. Qu'elle écrive celle qu'elle veut. Les faux moudjahidine, parlons-en. Il y a eu des erreurs qu'on pouvait éviter. L'affaire des faux moudjahidine en est une. Elle est immense. Il faut redresser la situation. La «Cinquième colonne» n'est pas une vue de l'esprit.