Les observateurs n'ont pas omis de signaler le rôle de l'Algérie dans le rapprochement entre les deux parties. La justice libyenne a décidé de commuer en réclusion à perpétuité la peine de mort des cinq infirmières et du médecin bulgares, accusés depuis huit ans, d'avoir délibérément inoculé le virus du sida à 438 enfants dans un hôpital libyen, dont 56 sont décédés. Après plusieurs reports, la plus haute instance judiciaire du pays a finalement modifié le verdict de la Cour suprême, qui a confirmé, le 11 juillet, la condamnation à mort des six praticiens. Le ballet diplomatique entamé depuis des années par les Européens en direction des autorités libyennes a finalement abouti. La fondation El Gueddafi, présidée par le fils du n°1 libyen, a joué le rôle de pivot dans les tractations ayant mené à un règlement à l'amiable entre les familles de victimes et les Européens qui sont convenus de verser un million de dollars de dédommagement aux familles des victimes. Soit la bagatelle de 438 millions de dollars. Le colonel Mouammar El Gueddafi a fait de cette affaire un coup d'éclat politique qui peut ramener beaucoup de dividendes à son régime, devenu fréquentable aux yeux des USA et des pays de l'UE, depuis le renoncement du guide suprême de la révolution libyenne à son programme nucléaire et sa collaboration dans les procès des attentats terroristes de Lockerbie et de la WTA. Les familles de victimes avaient, notamment, été indemnisées par les autorités libyennes dont les ressortissants ont été impliqués dans l'acte terroriste. Jeudi dernier, Cécilia, l'épouse du président français, était en visite non officielle dans ce pays où elle avait successivement rendu visite aux infirmières condamnées et aux familles des enfants contaminés par le virus du sida. Elle avait également été reçue par le colonel Mouammar El Gueddafi qui a lancé une invitation en direction du président français, Nicolas Sarkozy. Invitation qui semble avoir eu un écho favorable puisque le porte-parole de l'Elysée a déclaré, hier, que le président français, Nicolas Sarkozy, est attendu en Libye, le 24 juillet en cours, si cela peut aider à «la résolution» de l'affaire des infirmières bulgares. Les deux chefs d'Etat s'étaient parlé, mardi soir, au téléphone et ont abordé la question des infirmières bulgares et la possibilité d'une visite pour clore définitivement le dossier. On n'écarte pas, par ailleurs, que le président Sarkozy pourrait obtenir l'extradition vers leur pays, des infirmières bulgares. Ce qui sera un véritable coup médiatique pour le nouveau locataire de l'Elysée. A noter que la France et la Libye entendent donner à ce dénouement heureux des prolongements diplomatiques pour booster les relations entre les deux pays et celles plus globales avec l'Union européenne. La construction d'une nouvelle entité dans la région, l'Union méditerranéenne, envisagée par le président français, ne peut se passer du soutien de la Libye qui n'a pas été à l'ordre du jour de sa dernière visite dans le Maghreb. Les observateurs n'ont pas omis de signaler le rôle de l'Algérie dans le rapprochement entre les deux parties. Les visites effectuées par de hauts dignitaires du régime de Tripoli à Alger, ces derniers temps, entrent justement dans ce cadre. Un resserrement des relations inter-maghrébines est un gage de réussite de ce projet. Briser le mur de glace qui caractérise les relations France-Libye est l'objectif recherché par ces tractations. Il ne faut pas alors s'étonner de voir El Gueddafi faire une fleur à son homologue français en l'associant au processus de règlement de cette épineuse question juridique de l'extradition ou du moins de rapatriement des prisonniers bulgares en Europe, sous la bannière de la diplomatie française. La déclaration du porte-parole de l'Elysée conforte cette thèse: «Bien sûr, dit-il, le président a accepté cette invitation qu'il honorera rapidement», ajoutant toutefois que M.Sarkozy irait «si cela peut être utile à la résolution de l'affaire des enfants contaminés de Benghazi et des six personnels médicaux bulgares». Le message de Nicolas Sarkozy est clair: il veut un geste concret de Tripoli. Du gagnant-gagnant pour les deux parties. La Libye pourrait profiter d'un tel geste pour réinvestir la scène politique régionale, méditerranéenne, no-tamment après un blocus politique et économique très contraignant imposé par l'Europe. Par ce dénouement heureux, l'axe Paris-Alger-Tripoli se trouve être renforcé.