La ville réapprend à vivre, et elle le fait bien de jour comme de nuit. Béjaïa de nuit est une citécapricieuses. Cette ville n'est pas celle qu'on connaît durant la journée. La nuit, c'est une autre que l'on découvre dès 20h,elle qui se fait un malin plaisir de changer d'humeur passant de la sagesse de la journée à une frivolité nocturne. Et dans les deux cas, des hommes, anonymes, se font le devoir de gérer ces mouvements. Une virée nocturne en leur compagnie nous a permis de le constater. La police, qui fêtait hier sa Journée nationale, nous a permis de mieux saisir sa mission. Il est 20h, le n°2 de la sûreté de wilaya, M.Mohamed Akhrib, présentait dans le détail l'organigramme de la police avec à l'appui le rôle et la mission de tout un chacun. Cela se passait au siège de la sûreté. Secondé dans ce rôle par le commissaire principal, M.Tlemçani, et le patron de la PJ, M.Tlibat, toutes les explications ont été apportées sur ce corps de sécurité. «Maintenant, nous sommes à vous!», déclare-t-il comme pour donner le coup de starter à une soirée un peu particulière en compagnie de la presse. L'officier Hamid Tlibat nous invite à bord d'une Polo en compagnie de l'officier Feroudj. Le commissaire Tlemçani en faisait autant dans un autre véhicule avec d'autres journalistes. Hamid est responsable de toutes les opérations menées par la PJ sur le territoire de la wilaya. C'est lui qui supervise, chapeaute et coordonne les activités de ce corps de sécurité. Aucune enquête, aucune intervention ne se fait sans sa présence, ou son aval. C'est ce qu'il fera durant toute la virée. En contact permanent avec la salle de trafic, Hamid dirige et prend le pouls de la situation toutes les demi-heures. Sur la route de Tichy Sans trop tarder, nous prenons la direction de la station balnéaire de Tichy. La patrouille nocturne est bel et bien lancée. Nos trois accompagnateurs avaient une attitude extrêmement décontractée tout au long de la sortie. Hamid indique qu'«on va sillonner les plages de Tichy pendant que d'autres patrouilles sillonnent les artères de la ville. Ceci pour que vous puissiez examiner de vous-mêmes, les réelles capacités de notre dispositif sécuritaire». Le dispositif dont parle l'officier, c'est, tout d'abord, ces dizaines de policiers qui investissement de nuit les quatre coins de la cité et dont la mission consiste à sécuriser la ville qui est au demeurant quadrillée par deux points de contrôle permanents dressés à ses entrées. A l'intérieur de l'agglomération, des unités mobiles se chargent d'assurer le contrôle et la surveillance. Des missions qui ne prennent fin qu'au lever du jour. Une permanence est assurée au siège de la sûreté de wilaya. Objectif, superviser les opérations avec pour tâche supplémentaire de recevoir les appels d'urgence émanant des citoyens ainsi que les dépôts de plaintes. Arrivés à Tichy, la cité est plongée dans le noir. L'éclairage public fait défaut, devons-nous relever a priori. «Ce qui rend la tâche plus difficile», avoue un policier. On se rend directement sur les plages. Avec les policiers des plages nous prîmes connaissance de leur mission avec en prime, un contrôle identitaire des estivants. Un jeune de Téleghma n'avait pas de pièce d'identité. La police se fait un malin plaisir de donner certaines leçons de civisme que les jeunes admettent sans broncher. Plus loin, un couple se prélassant sur la plage, ne présentait pas de papiers d'identité, mais les policiers ne bronchent toujours pas. Alors que l'arrestation s'imposait, les policiers versaient encore dans la morale. Tichy demeurait terriblement calme. La nuit risque de ne pas nous réserver de surprises. Pour l'heure, seuls les crépitements des talkies-walkies et les quelques conversations au cours des contrôles meublent l'atmosphère. De retour à Béjaïa, nous explorons certains quartiers réputés chauds de la ville. Toujours aussi aimable, les officiers Hamid et Feroudj demandent au chauffeur de se diriger vers la Brise de mer. En chemin, nous constatons que les artères et les ruelles sont moins fréquentées. Une présence rassurante Le calme règne en maître incontesté des lieux. Il n'y a donc rien à glaner ici. Près de la station de taxis interurbaine, non loin de la gare, un taxieur fait part de la présence d'étrangers malveillants, chose à laquelle le commissaire promet de remédier. On assistera cinq minutes durant à une dispute entre taxieurs sur le problème soulevé et sur lequel tout le monde n'est pas d'accord. Nous reprîmes le chemin, une fois les esprits calmés, vers notre destination. A la brise de mer, de nombreuses familles se promènent sur le nouveau port de plaisance encore en chantier. Il est minuit, la présence policière est saluée par les badauds qui confirmeront la permanence de cette présence chaque nuit. Sur place, des contrôles identitaires sont opérés et les gens contrôlés prennent toute l'opération avec philosophie. «C'est normal», disait l'un d'entre eux avant qu'un autre ne renchérisse: «La présence de la police ne dérange que ceux qui sont là pour des objectifs inavoués.» «C'est rassurant!» affirme une dame habituée des lieux. «Vous n'êtes décidément pas quelqu'un de chanceux! Vous aurez bien aimé assister à l'une de nos interventions. Mais Béjaïa vit ce soir la tranquillité.» Cette évaluation émanant de l'officier Hamid nous apparaît comme une sentence: c'est trop calme. On décide de se rendre au barrage de Bir Slam. Là, nous partagions un moment de travail avec le chef de barrage qui nous relate sa mission de vérification de véhicules et de personnes. Nous retenons l'option de finir la patrouille en ville, puisque c'est là où nous avons le plus de chances, d'assister à une probable intervention. Sur le chemin du retour, nos regards se baladent pour dénicher une quelconque anomalie. Un groupe d'hommes par-ci, une famille par-là échangent des conversations calmes et sans intérêt. On ralentit, on inspecte les lieux de plus près. Cela fait un peu plus de cinq heures qu'on est en compagnie de la police dans la ville. Une ville qui semble préférer se départir, l'espace d'une nuit, de toute agitation. Elle demeure incroyablement calme. Nous, bien que déçus par cette détente, nous jugeons toutefois que cet état de fait est plus que positif. Béjaïa a vécu sa part de troubles. Quatre ans durant, la cacophonie et l'instabilité ont fait d'elle l'une des agglomérations les moins sûres. Les séquelles de ces années de troubles et de mécontentements populaires sont encore vivaces. Une page est donc tournée. La ville réapprend à vivre, et elle le fait si bien de jour comme de nuit. Des hommes l'accompagnent discrètement dans son évolution. Des policiers comme Hamid, Tlemçani, Omar, Mohamed et Feroudj ont combattu, combattent et combattront encore la délinquance, les atteintes aux moeurs, etc. et veilleront à la sécurité et à la quiétude des habitants et des visiteurs. Béjaïa s'endort pendant que, sur la côte, la vie continue. Nous quittons nos accompagnateurs d'une virée nocturne assez instructive même si il n'y a pas eu de moments forts. Tant mieux, avons-nous conclu avant de prendre congé des hommes en bleu.