Sept officiers de l'armée, dont un colonel de la Marine royale, comparaîtront demain devant le tribunal militaire de Rabat. Décidément, le Royaume chérifien «collectionne» les affaires. Au moment où le roi Mohammed VI, en personne, est cité dans un scandale financier, voilà que l'institution militaire franchit le pas. L'affaire est d'une extrême gravité et ses répercussions risqueraient d'être néfastes sur le moral des «troupes». En effet, le tribunal militaire de Rabat entamera, demain, le procès des officiers des Forces armées royales (FAR), impliqués dans une affaire de divulgation de secrets militaires. L'affaire a éclaté après publication par l'hebdomadaire local El Watan al An de «documents confidentiels des services de renseignements», indique-t-on de sources judiciaires marocaines. Le dossier publié comporte des rapports secrets derrière l'état d'alerte au Maroc, faisant état d'une menace terroriste imminente. Ce qui a éveillé l'attention des services de sécurité marocains, c'est la mention de «documents confidentiels» citée dans l'article incriminé. Les enquêteurs connaissent alors l'origine des fuites et désignent la cible. Sept officiers de l'armée, dont un colonel de la Marine royale, un certain Mohamed Fadel, seront alors arrêtés. Ils ont été mis aux «arrêts de rigueur» après l'arrestation du directeur de la publication, Abderrahim Ariri et du journaliste, Mustapha Hormat Allah. Les officiers sont soupçonnés d'avoir remis les documents en question aux deux journalistes. Cette affaire a défrayé la chronique et généré l'effervescence au sein de l'armée marocaine. Nous apprenons de sources concordantes qu'une enquête a été ouverte pour mettre à nu les dessous de cette affaire, qui n'a pas dévoilé tous ses secrets. On craint même que de hauts gradés des FAR soient à l'origine de ces fuites. «Il s'agit d'une affaire très grave qui met en cause la sécurité au plus haut niveau dans le Royaume», a déclaré, récemment, le ministre délégué à l'Intérieur, Fouad Ali Al Himma. De son côté, le parquet de Casablanca a déclaré que «les investigations ont permis d'établir que cette affaire (de Al Watan al An) relève du secret défense porté à la connaissance du public, comme le stipulent les dispositions de l'article 192 du Code pénal, sans aucun rapport avec le Code de la presse». Cependant, un vaste mouvement de solidarité au profit des journalistes mis en cause, a vu le jour au lendemain de l'éclatement de l'affaire. Leur arrestation a été condamnée par des associations non gouvernementales dont le Syndicat national de la presse marocaine (Snpm). Leur argument est clair: «Les journalistes ont le droit de recevoir des informations et documents confidentiels et de les publier pour informer le public», a estimé le Snpm en joignant sa voix à celles de journaux marocains qui qualifient «d'injuste» l'arrestation de Ariri et Hormat Allah. Des manifestants ont appelé samedi devant le siège d'El Watan al An, à Casablanca, à la libération des deux journalistes ainsi qu'à l'annulation des charges. L'affaire des documents confidentiels et autres affaires qui secouent le Royaume chérifien, peut aussi être interprétée comme une manoeuvre de diversion. Les déclarations du roi Mohammed VI à l'occasion de la Fête du trône au sujet du Sahara occidental, constituent l'une des facettes de cette stratégie.