Trois colonels figurent parmi les huit militaires condamnés par la justice marocaine à des peines allant de six mois à cinq ans de prison. Le procès n'a pas encore connu son épilogue. Les deux journalistes marocains, poursuivis pour publication de «documents officiels» dans le cadre de la lutte antiterroriste, ont vu leur jugement mis en délibéré au 15 août. Le tribunal correctionnel de Casablanca a infligé les plus lourdes peines à un officier subalterne ainsi qu'à son sous-officier des forces armées de Sa Majesté. Le capitaine Mohamed Maâji, un maître-chien, qui n'a pas nié avoir transmis des «documents confidentiels» au directeur de la publication et à un journaliste de l'hebdomadaire arabophone El Watan el an. L'ex-adjudant chef de la sécurité militaire, Hassan Bassine, a affirmé, quant à lui, qu'il remettait de faux documents aux journalistes pour tenter de récupérer de vraies informations. «Cela faisait partie de mon travail», a-t-il déclaré au tribunal. Les trois officiers de haut rang, colonels de leur état, s'ils n'ont pas démenti avoir eu des contacts avec des journalistes, ont catégoriquement rejeté l'accusation d'avoir transmis des informations confidentielles. Parmi les six autres prévenus, quatre ont écopé de deux ans de prison, alors que les deux autres ont été condamnés à six mois avec sursis. Abderrahim Ariri, le directeur de publication, a été laissé en liberté provisoire. Le journaliste Mustapha Hormat Allah, qui comparaissait en tant que détenu, a vu sa demande en liberté être rejetée. Les deux journalistes ont été poursuivis pour «recel de documents obtenus à l'aide d'une infraction». La publication d'un dossier intitulé «Les rapports secrets derrière l'état d'alerte au Maroc», le 14 juillet, par l'hebdomadaire El Watan el an, a mis en alerte les services de sécurité marocains. Interpellés, les deux journalistes ont été placés en garde à vue, pendant huit jours. Mustapha Hormat Allah a été écroué à la prison d'Okacha (Casablanca). Son directeur de publication, Abderrahim Ariri, a été remis en liberté provisoire. Un très fort collectif d'avocats s'est constitué pour assurer leur défense. Pas moins de 90 avocats. «Le dossier est vide et le procureur a été incapable de produire, devant la cour, les documents, objet de poursuites. Il ne s'est basé que sur la parution de ces textes dans le journal incriminé», a déclaré un de leurs avocats, Me Abderrahim Djemaï. La liberté d'expression au royaume de Mohammed VI semble être malmenée. Les vieux démons veulent-ils resurgir? Deux magazines marocains ont été saisis pour «manquement au respect dû à la personne du roi». Le directeur des deux magazines, Ahmed Benchemsi, qui doit comparaître devant la justice, le 24 août, a déclaré, lors d'une conférence de presse, sur un ton ironique: «C'est mieux qu'avant, car dans le passé, il n'y avait même pas de tribunaux.» Mustapha Alaoui, dont le procès se poursuit aujourd'hui, est poursuivi pour «diffusion, de mauvaise foi, de fausses nouvelles». Il avait publié, le 6 juillet, dans son hebdomadaire, des propos du secrétaire général de l'ONU dénonçant les agissements de certains membres de la délégation marocaine, qui participait aux négociations sur le Sahara occidental. Le substitut du procureur du roi a jugé les propos rapportés «portant atteinte à l'intégrité territoriale du Maroc...» Le Royaume du Maroc vit une paranoïa qui rappelle celle des années de plomb 1960-1999. Celle ou pour appartenance à un parti d'extrême gauche, Ilal Amam, ou pour une liberté d'opinion, l'on était taxé de subversif. Cela rappelle des noms des lieux. Tazmamart, Derb Moulay Cherif...des lieux de détention et de torture d'où l'on sortait rarement vivant. Des temps révolus. Il demeure tout de même cette pression qui étouffe. «La liberté d'expression au Maroc, c'est comme une cavalcade dans un champ de mines», a déclaré le directeur des magazines Tel Quel et Nichane.