C'est le drame que vivent des milliers d'Algériens. «C'est dans cette cave humide que nous résidons», affirme la mère de trois jeunes, dont deux sont asthmatiques et le troisième souffre d'une inflammation chronique de l'intestin. Un sous-sol de 3 m2 pour seule habitation où se mêlent les maladies et les pathologies. A la fermeture de la fabrique de papier, la famille Guendouz a élu domicile, en 1996, dans ce taudis. Pourtant, lors de la campagne électorale, l'actuel maire de Bourouba avait promis de prendre en charge leur problème après une visite à la cave servant de logement à cette malheureuse famille. Une fois élu, adieu les promesses. «Après son élection à la tête de la mairie, il nous a abandonnés, et il m'a même menacé de me virer si je le dénonçais», soutient la mère. Une cave pour y vivre et élever trois enfants malades en ce début du XXIe siècle. Dante n'a encore rien vu. Le seuil de la porte franchi, les narines peinent à respirer une bouffée d'oxygène. L'humidité domine. En descendant l'escalier menant au fond de la cave-logement, une nausée s'empare de nous. L'odeur est insupportable. Impossible d'y résister plus de quelques minutes. Pourtant, toute une famille y vit quotidiennement. Allongé, Fouad, 22 ans, souffre d'une inflammation chronique de l'intestin. «Il me faut un médicament coûtant 44 euros, chaque 24 jours», arrive-t-il à dire après un grand effort. Son frère Zakaria, 16 ans, atteint de polyarthrite rhumatoïde et des difficultés respiratoires, est dépendant de ses bouteilles d'oxygène qu'il faut approvisionner chaque quatre jours. Quant à Fateh, 21 ans, asthmatique aussi, au moment de notre passage, il se trouvait à l'hôpital pour un contrôle régulier. Leur état de santé se dégrade de jour en jour. Les conditions d'habitation déplorables sont la cause de leurs maladies. Pourtant, les autorités restent anesthésiées face à cette situation. On détourne les yeux du malheur des autres. Dehors, c'est une autre toile de fond qui se dessine. L'anarchie régnante dans les lieux, ne laisse personne indifférent. Des familles réclament leurs droits, crient à l'injustice. Des cas sur lesquels les autorités refusent de se prononcer. Plusieurs appels ont été lancés depuis des années aux plus hautes instances de l'Etat. «Le président de la République, le chef du gouvernement sont tous mis au courants, mais aucune intervention n'a été faite en notre faveur», dit un jeune de 28 ans, natif de la cité Haï El Djabal. Depuis des années, ces familles vivent le calvaire au quotidien. Le rêve d'avoir une maison s'amenuise de plus en plus. Un quartier en plein désordre, livré à lui-même. Dans la matinée de jeudi dernier, les familles se sont réunies devant le siège de la commune de Bourouba. Elles attendaient que le maire daigne décider de leur sort. «La responsabilité lui incombe, il est élu par la population, il doit les écouter», clamait la foule. Les responsables de la commune étaient aux abonnés absents au moment de notre passage. Leur absence dure depuis un mois. Ils n'auraient repris le travail qu'avant-hier. L'image que reflète la cité laisse à désirer. Un vrai labyrinthe, à perdre le fil d'Ariane de par l'étroitesse des ruelles. C'est en file indienne que les gens les traversent. Pour compliquer la donne, de nouvelles baraques sont venues se greffer au décor datant d'une quinzaine d'années. «Des nouveaux débarqués sont venus s'installer ici avec l'aval du président de l'APC», affirme Sid-Ali, notre guide. Et d'ajouter: «Il y a même ceux qui tirent profit en vendant des baraques après les avoir construites.» Un vrai commerce informel au vu et au su des autorités locales qui font la sourde oreille. Pauvreté, précarité et conditions de vie plus que lamentables. Voire inhumaines. Personne à qui se confier ni un saint à qui se vouer. Un jeune exhibe même des lettres adressées à Djamel Ould Abbès, ministre de la Solidarité. D'autres se sont adressés au wali d'Alger, à la presse écrite. En, vain, en dépit de la visite sur les lieux. «Imaginez comment le maire m'a répondu quand je lui ai dit que j'ai parlé de mon cas à la radio El Bahdja: qu'ils te prennent en charge et te donnent une maison», confie B.B. Pour ce jeune handicapé, les malheurs se suivent et se ressemblent. Les services techniques de la commune ont fait état de l'existence de l'amiante sur le toit de sa maison. Ce qui nécessite un déménagement immédiat. Mais à son grand malheur, les promesses demeurent vaines. Un simple coup d'épée dans l'eau. Le registre est encore long. Même les couffins de Ramadhan ne sont jamais parvenus aux démunis, affirment les riverains. Aussi, une enquête est exigée pour faire toute la lumière sur les agissements des responsables locaux. Ce cas n'est autre que celui de l'arbre cachant la forêt.