L'allongement de l'espérance de vie est en effet favorable à la propagation de plusieurs maladies chroniques L'espérance de vie des Algériens connaît, depuis quelques années, une courbe ascendante. En référence à l'année 2000, elle a augmenté de sept ans. Selon une étude menée dernièrement par l'Office national des statistiques, elle se stabilise à 74,7 ans pour les hommes et 76,3 ans pour les femmes. Le taux de vieillesse, lui, suit également la même courbe. Les populations de 60 ans et plus, appelées communément celles du troisième âge, représentent à elles seules 7,4% de la population algérienne. Ainsi donc, pas moins de deux millions et demi des Algériens ont plus de 60 ans. Le rythme rapide de la croissance démographique enregistrée par la population algérienne pendant plus de deux décennies, a fait que la structure par âge de cette dernière est restée longtemps marquée par la prédominance de la tranche d'âge des jeunes. Toutefois, l'évolution de la longévité a favorisé la propagation des maladies chroniques qui guettent les vieux. Diabète, hypertension, Alzheimer, cardiopathies... des maladies de la vieillesse Elles sont, en effet, loin de se compter sur les doigts d'une main. Ce sont les maladies dégénératives qui font des ravages chez le troisième âge. Les professionnels de la santé tirent la sonnette d'alarme pour mettre en garde contre une maladie très contraignante voire même mortelle. Il s'agit du diabète. Touchant près de trois millions d'Algériens, il est beaucoup plus détecté chez les personnes de 60 ans et plus. Selon Mohamed Belhadj, professeur en diabétologie et médecine interne au CHU d'Oran, le diabète est l'une des maladies qui progressent le plus rapidement. Une mauvaise hygiène de vie, conjuguée à une mauvaise alimentation puisque riche en sucres et graisses ainsi que la sédentarité, favorisent cette maladie. «Pas seulement», affirme-t-il, ajoutant que «plus on est vieux et plus on est exposé au diabète». Il explique que dans les pays développés, le diabète touche surtout les tranches d'âge à partir de la soixantaine. «Chez nous, et à l'instar des pays en voie de développement, cela commence plus tôt, soit à partir de la quarantaine, ce qui donne plus de temps aux complications dégénératives pour se développer», regrette-t-il. Il a également évoqué les maladies cardio-vasculaires. «Le stress est derrière la majorité des cas», souligne-t-il, expliquant que les populations citadines et celles du Nord du pays sont les plus touchées par ces maladies. D'autres maladies menacent les personnes âgées. L'hypertension artérielle sévit largement. Longtemps silencieuse, elle peut être derrière la survenue de complications très graves tel que infarctus, attaques cérébrales et autres. Causée par l'obésité, le cholestérol, le tabagisme et l'alcoolisme, elle est aussi intimement liée au diabète et au stress. Pour l'association algérienne d'hypertension artérielle (Saha) qui a mené des enquêtes en milieu hospitalier, 35% des Algériens sont hypertendus, alors que 29% des malades décèdent. Effarant! Plus encore. Selon le docteur Khaldi, spécialiste en médecine interne à l'EPS de Meftah à Blida, «l'âge de l'hypertension a sensiblement baissé alors que l'espérance de vie a augmenté». Il a indiqué que cela laisse à prédire qu'une grande partie de la population de plus de 60 ans risque d'être terrassée par cette maladie sournoise et imprévisible. Il a ajouté que la sédentarité, le stress et la mal-bouffe sont autant de facteurs qui rentrent en jeu. Cela dit, il est judicieux de rappeler qu'en matière de prévalence des maladies chroniques, l'hypertension artérielle occupe la première place en Algérie suivie par le diabète. Les spécialistes de la santé, eux, insistent plus sur l'aspect préventif que curatif. Une autre pathologie est en train d'emporter dans son sillage de nombreuses victimes. Classée parmi les maladies neuro-dégénératives, elle touche la personne âgée de la soixantaine. C'est l'Alzheimer. «Parce que les Algériens vivent plus longtemps, ils ont plus de temps de développer cette maladie», explique le Dr S.Dib, neurologue à l'Epsp de Sidi M'hamed à Alger. En effet, en raison du vieillissement de la population algérienne, le nombre des personnes atteintes par cette affection neurologique a atteint les 100.000, selon des chiffres avancés par la Société algérienne de neurologie et neurophysiologie clinique. Le risque de développer la maladie d'Alzheimer est d'autant plus grand. Il est estimé à 6% des catégories menacées. Les femmes en sont plus exposées que les hommes, peut-être parce qu'elles vivent plus longtemps. Toutefois, la statistique n'est évidemment pas exhaustive tant que la pathologie reste sous-diagnostiquée. Le Dr Dib a estimé que le nombre des malades va considérablement augmenter au cours des années à venir. «C'est le prix qu'on paie pour la modernisation», prévient-elle. Plus grave encore, la maladie est chronique et incurable. Aucun médicament n'a pu la stopper. Un diagnostic précoce s'avère nécessaire. Mais souvent, celui-là est négligé et les symptômes banalisés, alors que la maladie met cinq années pour s'installer définitivement. Souvent, au moment du diagnostic, le malade est déjà atteint de démence sévère et d'amnésie. Au-delà de l'âge aussi, certains facteurs favorisent l'apparition de l'affection du tissu cérébral. Il s'agit d'une prédisposition héréditaire, des antécédents de dépression ou de traumatisme crânien, ou encore la combinaison de différentes pathologies comme une hypercholestérolémie, une hypertension artérielle, un diabète, le tabagisme, une insuffisance respiratoire, l'alcoolisme et autres. Inexistence criante de centre de gériatrie Face à cette situation, les maladies dégénératives tendent à devenir un véritable problème de santé publique. Selon le Pr Belhadj, «notre pays habitué, à l'idée de sa jeunesse, est loin d'être préparé à la prise en charge des sujets âgés». Allant plus loin, il déplore l'inexistante de centres de santé spécialisés pour le traitement de ces maladies qui rongent les personnes âgées. «Aucun service de gériatrie n'existe à l'échelle du pays», regrette-t-il, amer. Le Dr Dib a également décrié l'inexistence flagrante des centres de gériatrie en Algérie. «Autrement, cela aurait pu nous aider à sauver beaucoup de vies», soupire-t-elle. A ce sujet, rappelons que la réalisation du premier centre de gériatrie en Algérie a été annoncée le début de l'année 2006 à Sétif. Plus de quatre ans sont passés et rien ne pointe à l'horizon. Un projet dans les limbes qui aurait pu mettre fin au calvaire de centaines de milliers de vieillards souffrants et ce, au moment où les spécialistes ne cessent d'avertir que l'allongement de l'espérance de vie a comme corollaire l'apparition d'une forte demande en soins gériatriques, avec l'augmentation aiguë des pathologies. A quand une oreille attentive?