Il est l'idole des pauvres et des laissés-pour-compte. Ils sont la majorité soit environ 80% de la population. Du hublot de l'avion on voit Caracas, capitale du Venezuela, se dessiner sur les flancs d'une haute chaîne de montagnes verdoyantes. La complémentarité du bleu de la mer et du vert du paysage est brisée par un ensemble de buildings et de bidonvilles qui se côtoient. Le taxi, qui nous transporte de l'aéroport au centre de la ville, se fraye un passage à «l'algérienne» avec pas moins de trois heures de temps. Nous noterons que l'embouteillage s'étalant sur plusieurs kilomètres est dû à la restauration d'un pont. Aussi, l'accueil que nous réserve ce pays appelé par Christophe Colomb «Terre de grâce» sera surprenant. En effet, les hôtels affichent, pour la plupart, complet et c'est ainsi que le sort nous mène tout droit vers un établissement trois étoiles appelé «Brodway». Malheur à nous car le quartier appelé Chacaito où se situe notre gîte est malfamé ou plutôt insécurisé. Une nuit et le lendemain l'hébergement est assuré dans un hôtel d'Altamira, quartier où est domiciliée notre ambassade. A propos de l'insécurité, il faut savoir qu'au Venezuela la police nationale est inexistante et que la sécurité, l'ordre et la circulation sont assurés par une police municipale, c'est un héritage des ex-dirigeants du pays. Chavez est en train de réviser cette option et veut avoir sa Sûreté nationale. Chavez l´idole D'ailleurs, les annonces des assassinats quotidiens vous donnent froid dans le dos, en moyenne plus d'une cinquantaine de meurtres déclarés sont inscrits par semaine sur les registres officiels. Il s'agit surtout de règlements de comptes type vendetta ou entre narcotrafiquants ainsi que de personnes attaquées pour vol. L'absence de l'Etat durant le règne d'avant Chavez, dans des quartiers comme Petare, a laissé pourrir la situation. Toutefois, il n'est pas étonnant de voir des sortes d'abris ou de guérites de policiers municipaux dans des quartiers huppés de Caracas tels Chacao ou Altamira portant la mention «Zone sécurisée». S'il y a bien un homme vénéré au Venezuela, c'est bien Hugo Chavez. Il est l'idole du peuple, mais celui des pauvres et des laissés-pour-compte. Ils sont la majorité de la population vénézuélienne, soit environ les 80%. Pour s'approcher plus de son peuple, Chavez, en bon orateur, s'adresse directement à lui trois fois par semaine lors d'une émission intitulée: «Allo Président», sous forme de débats. Tous les jeudis à la télévision et deux fois à la radio. A vrai dire, c'est un show où le rire se mêle à la crudité des mots et des phrases qui embaument le coeur de ces citoyens qui ont si longtemps été considérés comme la classe des intouchables. Il est bon de savoir que sur plus de 26 millions de Vénézuéliens que compte le pays, sept sur dix n'avaient pas de carte nationale d'identité, pis encore, ils n'étaient même pas inscrits sur les registres de l'état civil. On naissait comme des lapins au Venezuela, sans nom patronymique et sans repère en somme des citoyens nés exclus de la société. Comment, dans de telles conditions, ne nourri-t-on pas le crime et la délinquance? L'insécurité trouvait ses racines dans ce monde de l'inconnu. En avril 2004, Chavez, dans le cadre de l'instauration des différentes entités appelées «missions», crée celle de l'identité nationale. Elle sera chargée de faire bénéficier des millions de Vénézuéliens et d'étrangers de l'obtention de la carte nationale d'identité et de leur inscription sur les registres d'état civil. L'opération suit son cours actuellement. Si le président vénézuélien a créé ces missions, c'est parce que, affirme-t-on, l'administration ne lui était pas obéissante. Pour les dossiers urgents, il installe ces «missions» qui prennent en charge tout le processus de suivi et de développement. Pour cela, il s'appuiera sur l'expérience cubaine. Son ami Fidel Castro, conscient de la portée d'une telle opération, lui envoie quelque 28.000 experts cubains, de la médecine au sport en passant par le social, l'agriculture, les hydrocarbures, l'éducation et l'alimentation. Nonobstant, le Venezuela, ce beau pays, orgueilleux de sa richesse pétrolière, de son décor paradisiaque ainsi que de la valeur et de la bravoure de ses dirigeants, n'est pas libre de tous ses mouvements. En effet, ce que l'on appelle le troisième pouvoir, à savoir les médias dans presque leur majorité, lui échappe. Ils sont aux mains de l'opposition qui ne rate aucune occasion pour critiquer le pouvoir en place et contrer toute bonne initiative. Si le simple citoyen rencontré dans la rue vous fait les éloges de Hugo Chavez et de ses compagnons, celui du riche village d'El Hatillo, perché sur les hauteurs de Caracas, étrille tout ce qui est à consonance «chavista», même la propre famille de Chavez n'y échappe pas et est accusée de tous les maux. Les opposants occupent les lieux les plus somptueux, ont leurs propres cercles, leurs restaurants, leurs lieux de loisirs et friment avec des voitures de luxe et des 4x4 aux vitres teintées. Toutefois, Hugo Chavez leur fait un pied de nez, il est partout, dans les stands de vente de tee-shirts où il côtoie le «Che», sur les murs où il est placardé. On le voit sur un tracteur, à cheval, en boyscout ou en tenue rouge, celle des «chavistes», et sa photo officielle trône à l'entrée de tous les édifices étatiques. Il nargue son monde, c'est, dit-on, sa force. Le Venezuela qui s'étend sur une superficie de 912.050 km² n'est pas seulement connu pour Caracas mais aussi pour ses magnifiques villes de l'intérieur du pays. Des villes comme San Antonio ou San Cristobal ont également leur charme. San Antonio se trouve à la frontière colombienne, c'est pour ainsi dire leur «Maghnia». On n'a pas besoin de passeport ou de visa pour passer d'un côté ou d'un autre. Le poste frontalier se situe à l'intérieur même de la ville et les véhicules vont et viennent sans être dérangés dans leurs quotidiennes manoeuvres de contrebande. La seule précaution qu'il faut prendre c'est de payer la taxe de sortie, une fois que l'on quitte ce lieu, elle s'élève à 38.000 bolivars, soit 15 euros. Il existe aussi une taxe aéroportuaire de 10.000 bolivars, environ 4 euros. Sans le paiement de ces taxes, le voyageur encourt de très sévères sanctions s'il fait l'objet d'un contrôle. Cependant, à San Antonio on se croirait à La Havane, à Cuba, car il y a une multitude de véhicules de marque Chevrolet ou Cadillac très anciens. Ils font office, généralement, de taxi. Figurez-vous que même si le prix du carburant est l'un des plus bas du monde, la course vous revient un peu cher puisque aucun taxi au Venezuela n'est doté d'un compteur. Le prix est au pif et à la tête du client, surtout s'il est étranger. Si le centre-ville de San Antonio est un peu laissé à l'abandon au regard de l'état de ses rues et de ses trottoirs, celui de San Cristobal, à quelques encablures, peut être qualifié de moderne. San Cristobal est l'endroit où a jailli, pour la première fois, le pétrole au Venezuela. C'est donc une zone pétrolifère et la ville est construite sur le mode architectural des cités américaines avec avenues et trottoirs larges. On perçoit la propreté et l'organisation dans cette ville. Mais visiter le Venezuela peut s'avérer cher car les prix aussi bien de l'hôtellerie que de la restauration que du transport sont assez élevés par rapport à ceux des autres pays d'Amérique latine. La longue frontière qui longe la Colombie sur 2050 km est un problème assez sérieux et épineux pour les Vénézuéliens, ils vous le disent ouvertement. Les narcotrafiquants opèrent sur cette bande pour pouvoir écouler leur marchandise. C'est pour cette raison que vous ne devriez pas être étonné lors d'un contrôle sur la route, hors de la zone frontalière ou à l'aéroport, de voir des douaniers experts de la lutte anti-drogue vous renifler le corps, les affaires personnelles et les valises. C'est un moyen de dissuasion pour les éventuels trafiquants. Les Algériens au Venezuela Bien que le Venezuela soit assez éloigné, pas moins de 12 heures de vol par avion sans compter les escales, nos compatriotes ont émigré vers ce pays. Selon M. Mezoued Hocine, premier secrétaire de l'ambassade d'Algérie à Caracas, une quarantaine de compatriotes y résideraient. La plupart sont des ingénieurs et techniciens des hydrocarbures et seraient presque tous installés dans les villes de la zone pétrolifère comme Macaïbo. Le frère de notre humoriste Fellag se trouve, également, parmi ce contingent. Il y a aussi, dans cette ville, un Sétifien qui tient un café avec son frère nouvellement arrivé. Renseignements pris, il s'avère que les choses vont bien pour ce commerce. A Caracas, un autre Algérien, Bellatrèche Omar, est propriétaire d'un grand magasin de meubles. Hamza de Sidi Aïch est, lui, professeur de français. Mais le cas le plus intéressant est celui de Djeddid Azzedine, un jeune âgé de 29 ans, qui a pris, il y a sept ans, la décision de rejoindre le Venezuela. Il était étudiant en 2e année de sciences économiques à l'université de Tizi Ouzou-ville dont il est originaire quand, après avoir navigué sur Internet, il a été séduit par ce pays. Billet d'avion, quelques euros et visa en main, il se lance dans l'aventure sans même connaître un mot d'espagnol. Dans sa tête, il s'agissait de faire du tourisme seulement, mais le sort en a voulu autrement. Il nous dira: «J'ai rencontré un monsieur saoul qui s'est avéré par la suite être un avocat qui m'avait, dans la rue, demandé l'heure. Ne comprenant pas l'espagnol, je cherchais dans mon petit dictionnaire. Il me l'a pris et nous avons entamé une discussion beaucoup plus gestuelle et on a lié amitié à partir de ce jour. C'est ainsi qu'il m'a aidé à avoir un appartement et j'ai commencé à donner des cours de français dans un collège.» Azzedine nous avouera que son attention a été attirée, dans ce pays, par la cordialité et la chaleur humaine et surtout par le climat où il fait bon vivre. Toutefois, notre émigré semble bien subir les difficultés de la situation économique que vit le Venezuela. Aidé aussi par notre ambassade qui l'emploie comme vacataire, il pense, toutefois, retourner un jour au bled. Il adore son pays l'Algérie mais il aime ce pays qui l'a adopté. «Venezuela, tu m'as ensorcelé!», affirmera-t-il.