Passionnelle, la rencontre avec Hervé Bourges ne pouvait être autrement. Les Rencontres de l'Anep ont connu, pour sa cinquième édition, mardi dernier, une affluence record. Homme de notoriété, élevé par le Président Ben Bella au rang d'artisan de l'Algérie indépendante, Hervé Bourges ne méritait pas moins. Outre sa portée symbolique, puisqu'elle coïncide avec le quarantième anniversaire des Accords d'Evian, sa visite pour présenter la traduction en arabe de son livre Mémoires d'éléphant, paru aux éditions Anep, intervient au milieu d'une effervescence généralisée qui n'a pas manqué de se faire sentir lors de cette rencontre. Face à lui se tenaient aux premières rangées de la salle de conférence de l'Ecole nationale d'administration, des compagnons de lutte pour une Algérie indépendante. Moins nombreux, moins impliqués et moins conscients des bouleversements qui ont secoué le pays à cette période, les enfants d'une Algérie à l'épreuve du pouvoir (titre d'un autre livre d'Hervé Bourges) tentaient de décrypter les propos des uns et des autres. «J'ai eu une vie atypique, un parcours sinueux : j'ai touché à la politique sans être un politique, j'ai participé à la création d'écoles de journalisme dans plusieurs pays d'Afrique, j'ai assumé le poste de direction du CSA ( Conseil supérieur de l'audiovisuel en France), d'ambassadeur de France à l'Unesco. Mon livre, de même que ma vie, ne porte pas seulement sur l'Algérie», dira-t-il pour ouvrir les perspectives. Mais en vain ; le débat est amorcé et c'est sur l'Algérie qu'il portera et sur rien d'autre. Le détenteur, encore de nos jours, comme un trophée, de la carte numéro trois du cabinet présidentiel, signée par Ben Bella, est assailli par des mémoires qui n'ont, elles aussi, rien à envier aux éléphants. M.M'hamed Yazid, porte-parole du GPRA ( Gouvernement provisoire de la République algérienne), et Mme Meriem Belmihoub Zerdani, ex-sénateur et moudjahida, ainsi que d'autres figures telles que Smaïl Hamdani, ancien Chef de gouvernement, n'auront de cesse de féliciter l'invité d'honneur pour ses positions, sa lutte dans les colonnes de Témoignage chrétien, son amour et sa fidélité pour la cause nationale et l'Algérie. Les interventions allaient s'engluant dans des évocations de noms, d'événements et de dates, jusqu'à ce que M.Bourges demande que des questions plus embarrassantes lui soient posées. Et il sera servi. Les premiers tirs de sommation sont portés par Maïssa Bey, auteur littéraire bien connu sur la place et qui manifestement en avait à découdre avec l'ancien directeur de France télévision et du CSA: «On assiste aujourd'hui à un grand déblocage autour de la guerre d'Algérie? Pourquoi avoir attendu quarante ans pour le faire? Y aurait-il un lien avec l'Année de l'Algérie en France?» Mais Bourges sait esquiver les questions qui débordent de son domaine préférant revenir sur ce qui l'implique personnellement. Il regrettera néanmoins le manque d'analyse politique suffisante quant au traitement du dossier de la torture, parallèle que ne manque pas de marquer les médias français en opposant à la torture, dont furent victimes les populations, le s commises sur les harkis par les éléments du FLN. «Les événements n'ont pas été replacés dans leur contexte politique. Quant à la présidence de l'Année de l'Algérie en France que j'assume, c'est l'Algérie qui me rattrape même si je ne la reconnais pas toujours» Homme de communication de grande valeur, M.Bourges a su rester maître de la situation, même si les interventions auxquelles il a dû faire face n'étaient pas de tout repos.