De Palma éclaire crûment les «dommages collatéraux» de l'occupation militaire américaine en Irak, dans une fiction-choc sur le viol et le meurtre. Le festival de Venise est l'une des plus prestigieuses manifestations d'art de son temps. En effet, celle-ci s'attache à promouvoir les différents mouvements d'avant-garde ainsi que toutes les tendances artistiques les plus originales. Sous le soleil de Venise, les principales tendances à venir de l'art qui se dessinent. La 64e Mostra a découvert vendredi Redacted, où Brian De Palma éclaire crûment les «dommages collatéraux» de l'occupation militaire américaine en Irak, dans une fiction-choc sur le viol et le meurtre, véridiques, d'une fillette irakienne par des soldats. Au-delà de son actualité brûlante, ce film, qui concourt pour le Lion d'or, était le plus fort et le plus novateur montré depuis l'ouverture, mercredi, du Festival de cinéma (29 août-8 septembre) qui fête ses 75 ans. Décrit par son réalisateur comme un «documentaire fictionnel», Redacted revient sur la mort, en mars 2006 à Mahmoudiya, d'Abeer Qasim Hamza, violée et assassinée à quatorze ans par des soldats américains. Pour détruire les preuves de leur crime, ils avaient mis le feu au corps de l'adolescente et tué trois personnes de sa famille. Huit mois plus tard, en novembre, un tribunal militaire a condamné l'un des soldats à la détention à perpétuité, rappelle Amnesty international dans son rapport 2007. Réalisé à partir d'informations sur ce drame glanées sur Internet par Brian De Palma, Redacted se présente comme un journal vidéo sur le quotidien d'une poignée de soldats américains basés en Irak. Mais bien d'autres «matériaux» reconstitués à partir de documents réels, le composent: blogs et vidéos sur Internet, extraits de journaux télévisés ou de documentaires, films de surveillance vidéo, exécutions d'otages filmées... Redacted plonge ainsi de façon sidérante au coeur du conflit irakien en montrant un «check-point», l'un des barrages installés sur les routes par les Américains pour prévenir les attentats meurtriers. Parfait symbole de l'incompréhension entre la population et les soldats, ils sont le cadre quotidien de sanglantes bavures car nombre d'automobilistes irakiens, incapables de déchiffrer les instructions, y sont abattus. Au fil d'un récit fragmenté, De Palma montre le désoeuvrement et la faiblesse intellectuelle de jeunes soldats inexpérimentés, le désarroi de leurs familles et, sur le terrain, l'escalade de la peur qui se mue en haine. Cinéaste obsédé par le pouvoir et la signification des images, il montre aussi comment les images des atrocités quotidiennes de cette guerre sont soit absentes, soit tronquées, interprétées et manipulées par chaque bord. Redacted se termine par une série de clichés pris dans la rue ou dans les hôpitaux et montrant des enfants, des femmes ou des hommes ensanglantés, amputés ou brûlés vifs. Brian de Palma souhaite que le peuple américain, une fois confronté aux images des crimes commis en Irak, exige le retrait de son armée, comme il le fit quelque trente ans plus tôt pour le Vietnam. L'an dernier, l'auteur de Carrie, Blow Out et Les Incorruptibles avait ouvert la Mostra avec le polar à gros budget Le Dahlia noir, adapté du best-seller éponyme de James Ellroy. La deuxième oeuvre en lice pour le Lion d'or dévoilée vendredi à la Mostra était un autre film américain, Michael Clayton, de Tony Gilroy, où George Clooney campe un avocat looser, divorcé et accro au jeu, confronté au cynisme des firmes multinationales. Dans le film, une entreprise agrochimique envoie des tueurs supprimer un collaborateur qui menace de révéler que l'un de ses produits est cancérigène. Produit, notamment par l'acteur Sydney Pollack, qui joue dans le film, et le réalisateur Steven Soderbergh, vieux complice de Clooney, Michael Clayton pâtit d'une intrigue embrouillée. Le cinéma établit un parallèle entre différentes visions. Il retrace un bref historique sur le sort du peuple irakien et toutes ses communautés dans leur fonctionnement au quotidien, de l'instauration d'une dictature à l'américaine. En mêlant images d'archives et actuelles, le film interroge la vision de ces victimes et de ceux qui vivent ce marasme.