La tiédeur d'Alger à s'engager dans la «politique européenne de voisinage» s'explique par le peu d'effet qu'ont les programmes initiés jusqu'ici. A bien y voir, la décision de l'Algérie d'assister en tant que simple membre observateur à la première conférence ministérielle initiée par la Commission européenne, tenue lundi dans la capitale européenne, et portant sur la relance de la Politique européenne de voisinage (PEV), n'est pas un caprice diplomatique ou une surenchère politique. Elle relève, concédons-le à l'équipe gouvernementale, d'une escompte négative et plus que décevante des retombées des deux premières années d'application de l'accord d'association que notre pays a signé avec l'Union européenne (UE). En revanche, gardons-nous de montrer du doigt la seule Europe comme responsable de tous les échecs, d'autant qu'elle a reconnu (résolutions du Parlement européen, du Comité économique et social européen, Commission européenne...) lors du dixième anniversaire du Processus de Barcelone, en décembre 2005, sa grande part de responsabilité pour les maigres résultats obtenus chez ses partenaires du sud-méditerranéen. Ce lundi, c'est la commissaire chargée des relations extérieures et de la PEV, Mme Benita Ferrero-Waldner, qui a présidé la plénière des ministres pour cadrer la vision européenne de la libéralisation des échanges commerciaux, de la stratégie et de la sécurité énergétique, des défis imposés par le changement climatique, de la question de la mobilité et de la circulation des personnes... Pour sa part, le président de la Commission européenne, M.Manuel Barroso, a conduit les débats avec les délégations ministérielles, ainsi qu'un nombre d'ONG et d'organismes partenaires dans la promotion de la PEV et du partenariat avec l'Europe. L'Algérie, par la voix de son ambassadeur à Bruxelles, M.Halim Benattallah, s'est contentée d'une déclaration de principe par laquelle elle se dit concentrée, pour l'heure, sur les principes d'application progressive de l'accord d'association. Elle confirme ainsi son avis sur l'offre européenne, remis par écrit le 27 juin 2005 à Mme Benita Ferrero-Waldner, par l'ancien ministre des Affaires étrangères, M.Mohamed Bedjaoui. Les raisons de cette attitude «prudente» de l'Algérie sont nombreuses. A commencer par les programmes Meda I et II (1995-2006) où l'Algérie a été le pays qui a le moins bénéficié des aides et prêts devant l'accompagner dans ses différentes réformes. Concrètement, sur 168 millions d'euros programmés dans le Meda I (1995-1999) seuls 30,2 millions furent engagés, pour 18,4 millions payés! Autrement dit, le budget de fonctionnement d'une entreprise privée moyenne en Europe. Mettant en cause la situation sécuritaire du pays à l'époque et le blocage des réformes, il s'est avéré que le second Meda (2000-2006) n'en fut pas plus audacieux. 338,8 millions d'euros engagés pour 204 millions payés. L'Algérie a été le dernier des pays sud-méditerranéens à bénéficier des aides à la coopération. C'est pourquoi, lorsque l'UE a avancé l'offre de la PEV, annoncée en 2004 et mise en application à partir de 2007, notre pays s'est montré prudent, voire sceptique. Il est vrai que l'Algérie bénéficie depuis 2001 de recettes en devises fortes grâce aux prix exceptionnellement élevés des hydrocarbures. Il est vrai aussi que la situation sécuritaire s'est nettement améliorée depuis 2001. Il est vrai, enfin que, bizarrement, les USA ont lancé leur projet Grand Moyen-Orient (GMO) depuis 2002, comme il est vrai pour finir, que l'on peut relever que l'espoir d'une paix durable au Moyen-Orient, notamment l'avenir d'un Etat palestinien libre et indépendant, s'éloignent de plus en plus. Peut-on, au-delà des fatalités de la mondialisation économique, construire une zone de paix et de prospérité en Méditerranée avec un Moyen-Orient en guerre perpétuelle et des pays arabes (faisant partie de la PEV) sous surveillance, parce que suspectés de terrorisme (Syrie, Libye, Palestine...)? Ces quelques rappels de l'incohérence, d'une manière générale de la politique extérieure européenne, ne doivent pas nous dédouaner de notre frilosité à hâter les réformes et notre manque d'audace politique et économique. L'UE n'impose rien. Elle propose. Et tant que nos gestionnaires se complaisent dans une attitude d'assistanat économique vis-à-vis de l'Europe, rien ne peut avancer. Ce n'est pas l'Europe qui conçoit notre politique de l'emploi, de l'habitat, de l'éducation, de la justice... L'ambiguïté de nos gouvernants est surprenante. L'Algérie, elle-même, reconnaît dans son mémorandum sur la situation générale du pays, duquel la Commission européenne s'inspire pour sa coopération, les graves problèmes politiques et de société inhérents au système. L'Algérie montre du doigt le délaissement de sa propre agriculture, les sous-développements structurels de ses entreprises, son système financier archaïque, la gangrène de la corruption, une justice encore à réformer... Et conclut qu'elle est décidée à engager une bataille sans merci contre toutes ces tares. Là aussi, contrairement à une idée répandue, l'Algérie ne se cache pas le visage sur ses propres incohérences. Tout le problème est de savoir comment en sortir. Aujourd'hui, les remarques du style «c'est la faute au néolibéralisme si nos entreprises disparaissent» ne peuvent suffire à justifier la banqueroute de nos économies.