Le chef de l'Etat devait se rendre sur les lieux dans les minutes qui suivaient. Fort heureusement, un petit retard a eu lieu en cours de route. 17h10, au chef-lieu de la wilaya de Batna. Une foule compacte attendait le président. Les esprits étaient surchauffés d'enthousiasme, mais le monde s'est arrêté brusquement. Une déflagration a envahi le ciel, mettant à terre des dizaines de personnes. Une bombe! Panique générale. C'était quelques minutes seulement avant le passage du cortège présidentiel. L'horreur est à une cinquantaine de mètres seulement. Ça sent le brûlé, du sang partout, des cris et des pleurs, des personnes déchiquetées et d'autres courant dans tous les sens. Le bilan est lourd: 19 morts et 107 bléssés. L'affolement est à son comble. Même les policiers chargés de maîtriser la foule ne pouvaient résister à une telle marée humaine. Le président de la République devait se rendre sur les lieux dans les minutes qui suivaient. Fort heureusement, un petit retard a eu lieu en cours de route. Les véhicules des journalistes étaient les premiers à accéder à l'endroit où le président devait entamer sa marche. Le lieu de l'attentat est à une cinquantaine de mètres seulement. Les premiers véhicules des journalistes et du cortège présidentiel ont servi d'ambulances pour les victimes. Des blessés, complètement couverts de sang, sont embarqués à la va-vite, alors que l'affolement et l'horreur continuent à être maîtres des lieux. Viendront ensuite les renforts de la Protection civile, postés aux alentours pour les besoins de l'événement, et les ambulances du CHU de Batna. De visu, au moins six morts étaient déjà sur place. Les premières victimes décédées parmi la foule sont déjà recouvertes de drapeaux. Atroce! Ce sont des images qui rappellent des journées sanglantes irakiennes. Des enfants sont aussi parmi les victimes. Il ne s'agit pas d'une voiture piégée puisque sur place, aucune carcasse d'engin n'est visible. Probablement, un kamikaze. Cette folle hypothèse s'est propagée comme une traînée de poudre. On raconte que le criminel était parmi la foule avant d'être repéré par des citoyens et des policiers. Le terroriste, en possession d'un sachet noir, a dû prendre la fuite et le lâcher. Ensuite, l'engin a explosé dans la foule. Ce sont les premiers témoignages que nous avons pu recueillir sur les lieux du drame. La rue Larbi-Tebessi, où a eu lieu le drame, près de la mosquée El Atik de Cheikh Tahar El Messaoudi, à cause de la panique se vidait peu à peu. Toutes les artères de la ville étaient bloquées à la circulation, excepté celle menant vers l'hôpital. Encore la panique. A l'hôpital, le manque de moyens humains et matériels s'est transformé en une agitation et hystérie incompréhensibles. Tous les blessés sont à terre. Mauvaise nouvelle. Trois gendarmes débattent du nombre de décès et de blessés. «Vous me confirmez tout de suite ce chiffre», exhorte le plus gradé d'entre-eux. Les deux autres quittent les lieux pour se diriger vers le service des urgences. Quelques instants plus tard, l'un d'eux annonce: «13 morts et 68 blessés.» Dès les premières heures après l'attentat, elles étaient plusieurs dizaines de personnes à occuper tous les coins de l'hôpital. Une infrastructure qui, quelques instants plus tôt, «était presque dépourvue de monde». Les cris de douleur, de condamnation et de terreur émanent de partout. Les services de sécurité envahissent les lieux peu à peu, avant de barricader complètement les issues. On nous annonce la visite du président. Le bain de foule attendu au centre de Batna n'a certainement pas eu lieu. C'est évident. Abdelaziz Bouteflika, qui a interrompu sa visite, s'est rendu au chevet des victimes à l'hôpital de la ville. Il s'est rendu ensuite sur les lieux de l'attentat, près de la mosquée Tahar El Messaoudi, à quelques mètres seulement d'un marché de vêtements. Il a même prolongé sa visite dans la capitale des Aurès et a assisté aux obsèques des victimes. Un défi. Arpentant les ruelles de la ville, les citoyens ignoraient ce qui s'était produit en un clin d'oeil. «J'observais la ruelle vide bordée d'un cordon de sécurité et d'une foule impressionnante lorsque, soudain, j'ai constaté un débordement sur le côté droit de la chaussée. A ce moment-là, j'ai cru que c'était une simple surcharge des lieux avant d'apercevoir des personnes courant, les vêtements complètement en sang», nous raconte Hamad, un habitant de Batna. Le climat commence à se rafraîchir en cette fin de journée sanglante du jeudi 6 août. Vers 19 h, Batna était encore quadrillée par les services de l'ordre. Cet attentat survient alors que les éléments de l'Armée nationale populaire (ANP) continuent à cerner certains maquis de la région est du pays aux fins de traquer les terroristes, auteurs de l'attentat de Bir El Ater contre trois militaires. Est-ce le même groupe qui a commis l'attentat de Batna? Au mois de juillet dernier, les forces de l'ANP ont pu neutraliser une trentaine de criminels lors d'un grand ratissage opéré dans la région de Bir El Ater (Tébessa). On craint un sérieux regain de violence dans la région est. Le lendemain de l'attentat, Batna s'est réveillée avec une plaie béante. C'est le deuil! Le bilan est lourd: 19 morts et 107 blessés.