Le mystère demeure entier sur la violation de l'espace aérien syrien. Survol de l'espace aérien syrien, comme l'indique Damas, opération contre des objectifs militaires syro-iraniens, comme le soutiennent certains titres israéliens? Toujours est-il que Tel-Aviv maintient le black-out sur son action -si action il y a- en Syrie, alors que Damas ne semble pas plus disposée à dire ce qui s'est réellement passé ce 6 septembre, annonçant seulement que sa DCA avait riposté à un survol par l'aviation israélienne de son espace aérien. Or, des sources militaires américaines ont confirmé qu'Israël avait effectué, le 6 septembre, un raid aérien en Syrie. Contre quels objectifs? Mise en garde, comme l'estime la source américaine? Test de la réaction syrienne? En fait, cela peut sans doute être l'un et l'autre, d'autant plus que l'affaire se complique avec les accusations américaines selon lesquelles la Syrie lorgne le nucléaire. Selon un responsable du Pentagone qui s'exprimait sous anonymat: «Ce n'était pas très important. C'était une attaque rapide. Ils étaient visés par les Syriens, ils ont riposté et sont partis». Comme ça, tout simplement, les Israéliens bombardent un pays étranger et partent. Faire un raid contre un pays souverain est donc normal, et ne nécessite pas d'explications puisque ce responsable américain interprète cela comme un «message aux Syriens». Mais du côté israélien c'est le motus, pas un mot: ni confirmation, ni infirmation de «l'incident» aérien quand Israël avait pour habitude de monter en épingle ses «exploits» militaires contre les Arabes. Les Syriens non plus ne semblent pas désireux de jouer franc jeu, eux qui ont déposé plainte mardi au Conseil de sécurité contre Israël pour «violation flagrante» de son espace aérien «par des avions militaires israéliens» la semaine dernière. A cet effet, le représentant de la Syrie aux Nations unies, Bachar Jaâfari, a sobrement déclaré que son gouvernement entendait «attirer l'attention sur la violation flagrante de son espace aérien et sur l'agression du territoire de la République arabe syrienne commises par Israël, de façon claire et insolente et au mépris des lois internationales». M.Jaâfari accuse par ailleurs l'Etat hébreu d'avoir délibérément commis «d'autres crimes semblables, dont le bombardement d'installations civiles en 2003». Toutefois, cette déclaration ne donne aucune indication sur ce qui s'est réellement passé ce 6 septembre. D'autant plus que, à en croire un journal arabe israélien, l'aviation israélienne aurait «détruit» une base de missiles irano-syrienne. Citant des sources «informées», le journal arabe-israélien Assenara affirmait, mercredi, que l'aviation israélienne a «frappé une base syro-iranienne de missiles la semaine dernière» en Syrie, que des avions israéliens avaient «bombardé dans le nord de la Syrie une base de missiles syro-iranienne financée par l'Iran», affirme le journal, qui ajoute: «Il semble que la base ait été totalement détruite». Base de missiles financée par les Iraniens, aux dires d'Assenara, ou centrale nucléaire «sponsorisée» par les Nord-coréens, selon le Washington Post? Plutôt que de dire ce qu'il en est, Israël maintient le flou alors qu'un ministre israélien accusait, dimanche, Damas «d'encourager le terrorisme», trois jours après les évènements de vendredi, «Les Syriens ne peuvent pas affirmer vouloir la paix et encourager le terrorisme», a indiqué ce ministre faisant notamment allusion à l'aide militaire fournie par Damas à la milice chiite libanaise du Hezbollah, qu'Israël a combattue pendant un mois l'été dernier. Toutefois, cette déclaration du ministre des Retraités, Rafi Eitan, ne répond pas à la question de savoir si Israël avait survolé et effectué un raid en Syrie. Il paraît que le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, aurait donné l'ordre à ses ministres de ne faire aucune déclaration sur ce sujet. En ne dévoilant pas à l'opinion publique la réalité de ce qui s'est passé le 6 septembre, Damas conforte en fait Israël dans son option «punitive» contre des pays arabes. Ce que reconnaît à demi-mot le général de réserve, Uzi Dayan, ancien président du «Conseil de sécurité national (israélien)», selon lequel il suffit de savoir qu'«Israël opère dans nombre d'endroits au Proche-Orient». Et Dayan d'ajouter: «En dire plus serait spéculatif et même dangereux.» C'est sans doute là le noeud gordien du problème d'autant plus que jeudi le quotidien de la capitale américaine, le Washington Post, affirmait que la Corée du Nord aidait la Syrie dans le domaine nucléaire et sans doute à construire une centrale nucléaire. Serait-ce là la mot de la fin? Rééditer le coup de Tamuz, la centrale nucléaire irakienne détruite en 1981 par l'aviation israélienne, avant que la Syrie ne se dote d'une infrastructure nucléaire? Voilà une chose dont Israël est très capable. D'ailleurs, les analystes se sont perdus en conjectures après le survol ou l'attaque de l'aviation israélienne, vendredi dernier, dans le nord de la Syrie, y allant chacun d'explications aussi baroques que peu satisfaisantes. Il reste le fait qu'il y eut bien une opération israélienne dans le nord de la Syrie dont l'importance et la nature semblent relever du secret d'Etat, à voir le mutisme observé tant à Damas -qui ne donne aucune précision quant à la nature de la violation de son espace aérien- qu'en Israël qui, l'opération accomplie, cherche à calmer le jeu. De la haute stratégie, lecture codée entre deux «ennemis intimes»? Voire...Qualifiant d'allégations les informations du Washington Post, As Saoura (quotidien gouvernemental) affirmait hier que «les membres de la chorale ont entonné leur nouvelle chanson pleine d'hostilité qui porte cette fois-ci sur une coopération nucléaire syro-coréenne». «Il s'agit d'un gros mensonge», affirme le journal qui souligne que «la Syrie est habituée à faire face à de tels mensonges». Par ailleurs, revenant sur la récente violation de son espace aérien, Damas a réitéré son «droit» de riposter à toute attaque, plus de dix jours après «l'incident aérien» en cause. «La Syrie a le droit de riposter à l'agression israélienne contre son espace aérien le 6 septembre», indiquait vendredi le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mekdad. Ce qui n'explique en rien le mystère au centre duquel la Syrie semble aujourd'hui se trouver.