La mystérieuse attaque israélienne en septembre 2007 dans le nord de la Syrie commence à trouver une explication. Un pavé dans la mare. Telles semblent être les dernières allégations de Washington contre la Syrie qu'elle accuse de vouloir produire des armes nucléaires avec l'aide de la Corée du Nord. C'est du moins l'imputation portée, vendredi, par l'administration républicaine de George W.Bush contre Damas. Selon les sources américaines, la Corée du Nord (a) aidé la Syrie à «construire secrètement» un réacteur nucléaire qui aurait permis de produire du plutonium à des fins militaires «s'il n'avait été détruit en septembre 2007». Cette affirmation a été immédiatement démentie par Damas, qui l'estime «ridicule». Dans un communiqué publié vendredi, une porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino, a affirmé que les Etats-Unis sont «convaincus sur la base de différentes informations», que la Corée du Nord a aidé la Syrie à «construire en secret un réacteur nucléaire capable de produire du plutonium» dans le désert de l'est du pays. «Nous avons de bonnes raisons de croire qu'il (le réacteur) n'avait pas de finalités pacifiques» a encore assuré Mme Perino. Affirmation que la porte-parole de la Maison-Blanche n'étaie d'aucune manière, cela d'autant plus que le mystère plane toujours sur le raid mené le 6 septembre 2007 par l'aviation israélienne dans le nord de la Syrie, dont le communiqué de la Maison-Blanche semble en lever une partie du voile. A l'époque, un mutisme total a été observé, que ce soit de la part de la Syrie - qui a porté plainte contre Israël sans expliciter en quoi avait consisté l'attaque israélienne - ou d'Israël qui a surtout tenté de minimiser les choses après coup, ou de Washington qui n'en pensait pas moins. Au moment des faits, un responsable du Pentagone qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat avait indiqué: «Ce n'était pas très important. C'était une attaque rapide. Ils étaient visés par les Syriens, ils ont riposté et sont partis». C'était en septembre 2007. Aujourd'hui, Washington est plus explicite puisqu'un haut responsable américain, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat, a expliqué, vendredi, qu'Israël avait détruit ce réacteur, «lors d'un raid aérien le 6 septembre dernier», alors qu'il (le réacteur) était sur le point de devenir «opérationnel». «Israël a pris seul sa décision d'agir. Il l'a fait sans aucun feu vert de notre part. On ne nous a rien demandé», a-t-il assuré comme pour disculper les Etats-Unis. Bien sûr! Après la destruction de la centrale Osirak à Tamouz en Irak en 1981, Israël aura, encore une fois, impunément, détruit un réacteur arabe sans autre forme de procès. Il reste certes à prouver, évidemment, que la Syrie était bien partie prenante dans la construction d'une telle installation. De fait, citant des sources «informées», le journal arabe-israélien Assenara affirmait dans ses éditions au lendemain de l'attaque du 6 septembre, que l'aviation israélienne a «frappé une base syro-iranienne de missiles la semaine dernière» en Syrie, que des avions israéliens avaient «bombardé dans le nord de la Syrie une base de missiles syro-iranienne financée par l'Iran» affirmait alors le journal qui ajoute: «Il semble que la base ait été totalement détruite». Base de missiles financée par les Iraniens, aux dires d'Assenara, ou centrale nucléaire «sponsorisée» par les Nord-Coréens, selon le Washington Post? Ecrivions-nous alors à l'époque (L'Expression du 13 septembre 2007). Il semble aujourd'hui que la déduction du Washington Post était plus proche de la réalité, à en croire, certes, les dernières allégations américaines sur ce dossier. Le représentant de la Syrie aux Nations unies, Bachar Jaâfari, avait en 2007 sobrement déclaré que son gouvernement entendait «attirer l'attention sur la violation flagrante de son espace aérien et sur l'agression du territoire de la République arabe syrienne commises par Israël, de façon claire et insolente et au mépris des lois internationales» sans autre précision. Maintenant, cette «agression» semble, notamment intéresser l'Agence onusienne de sécurité nucléaire, l'Aiea, qui veut «enquêter» sur les allégations américaines, lesquelles viennent à contre-temps et impliquent une Corée du Nord qui est en négociation sur son programme nucléaire. L'Agence internationale de l'énergie atomique a indiqué dans un communiqué publié vendredi, que «le directeur général déplore que l'information (sur ces allégations) n'ait pas été fournie à l'Agence à temps, conformément aux responsabilités de l'Agence dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), afin de lui permettre de vérifier la véracité de ces informations et d'établir les faits» De son côté, le directeur général de l'Aiea, Mohamed El Baradei, s'est montré critique envers l'Etat hébreu, estimant que «l'utilisation unilatérale de la force par Israël», dans cette affaire, «compromet le processus de vérification qui est au coeur même du régime de non-prolifération.» Outre que cette «critique» vient un peu tard -sept mois après les faits incriminés alors qu'Israël menace toujours d'attaquer les réacteurs iraniens- M.El Baradei, qui veut enquêter sur la réalité des faits reprochés à la Syrie, s'est signalé par son manque d'empressement à forcer le mur du silence qui entoure le nucléaire israélien, jusqu'à se comporter en touriste, la seule fois où il visita Israël. Affaire à suivre.