L'Hexagone est toujours présent dans l'esprit des chef islamistes comme un héritage du GIA et des années 90. Si la Grande-Bretagne a été le pays européen le plus menacé par Al Qaida en raison du soutien inconditionnel à la politique américaine au Moyen-Orient, la France de Sarkozy vient de rejoindre «le Club des pays à terrifier» par le réseau de Ben Laden. Un nouveau livre intitulé: «Al Qaîda à la conquête du Maghreb, Le terrorisme aux portes de l'Europe», rapporte avec une incroyable précision les dessous des réseaux terroristes liées à Al Qaida qui menacent l'Europe en général et la France en particulier. L'auteur connaît parfaitement son sujet. Il s'agit de Mathieu Guidère agrégé d'arabe et directeur de recherches à la prestigieuse école Saint-Cyr. Sans exception aucune, les pays de l'Europe sont directement menacés par la toile d'Al Qaida. Certains ont été frappés au coeur de leur capitale comme Madrid le 11 mars 2004, la Grande-Bretagne a subi une vague d'attentats en juillet 2005. D'autres pays comme l'Italie, la Belgique et tout dernièrement l'Allemagne ont échappé de justesse à des attentats sanglants. Des milliers de membres liés du réseau Al Qaîda sont arrêtés depuis septembre 2001. La courbe des tentatives d'attentats a connu une progression exponentielle et la menace n'a cessé de croître au fur et à mesure que s'affinait le dispositif de sécurité mis au point par les démocraties occidentales. Remontant les méandres des réseaux terroristes en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Libye, l'auteur du livre explique avec menus détails comment la France constitue une cible première pour les groupes terroristes. Bien que la politique étrangère de la France a été globalement perçue comme pro-arabe et pro-musulmane depuis De Gaulle, il n'en demeure pas moins que la France est honnie par les islamistes. Dans la littérature d'Al Qaîda, elle représente une puissance coloniale qui a occupé par la force des pays musulmans, qui soutient Israël et qui s'est souillée dans la première du Golfe en soutenant l'armée américaine. Comment Al Qaîda Maghreb voit-elle la France? Pour M.Guidère, les interventions de l'armée française à l'étranger -au Liban et l'Afghanistan- constituent également des sources de griefs. Pour toutes ces raisons Al Qaîda-Maghreb a clairement indiqué sa cible. Car l'opposition à la politique américaine n'est pas nécessairement salvatrice contre les attentats. Des questions relevant de la politique interne peuvent être prises comme prétexte pour des attentats. L'auteur de l'ouvrage cite celui de la loi française sur le port des signes religieux ostentatoires à l'école. Les menaces islamistes contre la France n'ont jamais cessé. La France, note l'auteur, est toujours présente dans l'esprit des chefs islamistes comme un héritage du GIA et des années 90. Ainsi en septembre 2005, un communiqué du Gspc affirme que «la France est notre ennemi numéro et de notre communauté, l'ennemi de notre religion et de notre communauté». Le fondateur du Gspc Abou Hamza (alias Hassan Hattab) avait une aversion pour la France et son successeur, Nabil Sahraoui n'était pas plus conciliant. En fin septembre 2005, le Gspc diffuse sur tous les forums islamistes de l'Internet un «appel aux fils de l'Islam en France». C'est avec la création d'Al Qaîda Maghreb que la donne a radicalement changé pour la France. Jusqu'à janvier 2007, Al Qaîda avait placé l'Europe et le Maghreb sous un même commandement, celui du Marocain Abdelkrim Medjati à la tête de ce qui est appelé «L'Emirat décentralisé pour l'Europe et le Maghreb». Celui-ci étant à l'origine des attentats de Casablanca en mai 2003, de Madrid en mars 2004 et de Londres en juillet 2005. Réseaux dormants Jusqu'en juillet 2007, les djihadistes français étaient occupés par l'acheminement des combattants en Irak pour nourrir la résistance anti-américaine. La cellule démantelée en février 2007 dans la région toulousaine en constitue un exemple parfait. Le personnage central est un Français de souche, converti à l'Islam en 1999 et porte alors le prénom de Adelhakim... Autre exemple, le 20 octobre 2006, deux Français sont interpellés en Syrie alors qu'ils s'apprêtaient à franchir la frontière irakienne. Le plus âgé avait 31 ans et est diplômé de la prestigieuse Ecole des mines de Paris. L'exemple-type des groupes islamistes en France est le GIA qui a défrayé la chronique en 1995. L'auteur raconte comment les islamistes nouent en prison de nouvelles relations qu'ils exploitent par la suite. C'est ce qui s'est passé pour un certain «Safé Bourada», un boucher à Trappes (Yveline) qui a été condamné à dix ans de prison pour son implication dans un réseau de soutien au GIA, lors des attentats de 1995. A sa sortie en 2003, il crée avec un certain M'hamed Ben Yamina le groupe Ansar El Fath. (soutien de la conquête). Arrêté le 9 septembre 2005, à Alger, Ben Yamina avoue trois projets d'attentats à Paris: dans le métro parisien, à l'aéroport d'Orly et contre le siège de la DST. Les services français estimant qu'il y a encore plusieurs cellules actives en France, ces cellules se sont reconstituées depuis 2005. A l'époque, les réseaux du Gspc ont été mis en difficulté mais la situation a radicalement changé. En 2006, l'Unité de coordination de lutte antiterroriste (Uclat) évoque une quarantaine de cellules constituées en raison de leur lien avec les zones irakiennes, pakistanaises et afghanes et sahélo-maghrebines. pour expliquer le phénomène d'Al Qaîda au Maghreb et en Europe, l'auteur part des faits attestés et tente de leur appliquer les méthodes de l'analyse critique loin des avis impressionnistes et des extrapolations abusives. Un ouvrage remarquable.