Des «affaires» face auxquelles les députés observent un silence que rien ne peut justifier. L'APN reprend ses travaux aujourd'hui en séance plénière. Une session d'automne interrompue durant le mois du Ramadhan pour permettre à nos augustes parlementaires de prendre un répit, cela, au moment où certains de leurs collègues participent à des forums à l'étranger dans le cadre des échanges interparlementaires. Entre-temps, beaucoup d'encre aura coulé dans les rédactions à propos d'un certain nombre d'affaires scabreuses et de scandales en cascade. Des «affaires» face auxquelles les députés observent un silence que rien ne peut justifier. Le «feuilleton» de la pomme de terre canadienne avariée, l'augmentation des prix des produits de première nécessité, les détournements de deniers publics, l'affaire BRC...sont autant de dossiers qui interpellent pourtant les élus du peuple. C'est même leur vocation de faire en sorte que ces affaires soient tirées au clair. Où est donc la mission de contrôle du Parlement, consacrée par la Constitution et les règlements intérieurs de la chambre basse et du Sénat? «Chacune des deux chambres du Parlement peut, dans le cadre de ses prérogatives, instituer à tout moment des commissions d'enquête sur des affaires d'intérêt général» (article 161 de la Constitution et les articles 76 à 86 de la loi organique fixant l'organisation et le fonctionnement de l'Assemblée populaire nationale et du Conseil de la Nation...). Pis, quand des députés ne prennent même pas la peine de demander une commission d'enquête sur la gestion de leur propre institution, on voit mal exiger l'ouverture d'enquêtes sur des dossiers qui leur paraîtraient très «lointains». Ainsi, et après les «fuites» d'un rapport établi par la Cour des comptes sur la gestion de l'Assemblée nationale dans la période 2002-2007, et dont la presse s'est faite l'écho, les langues commencent à se délier. Un ancien député de Relizane, M.Adda Fellahi, en l'occurrence, dissident du mouvement El Islah, demande que toute la vérité soit dite sur cette affaire. «Si une institution législative censée faire adopter des textes des lois contre la corruption, le blanchiment d'argent est la première à violer ces lois, cela veut dire que la corruption est plus forte que l'Etat.» Le député est allé jusqu'à demander au président de l'APN, M.Abdelaziz Ziari, de répondre au rapport de la Cour des comptes pour, dit-il, «préserver la renommée de l'Assemblée nationale». Les députés vont-ils à leur tour demander des comptes, ou leur rôle consiste-t-il à adopter les «mains en l'air» des textes de lois? Des textes dont le résultat du vote est dans la plupart des cas connu d'avance, sachant que cette majorité d'où est issu le gouvernement, adopte sans sourciller les projet soumis par ce dernier. Rien ne justifie cette attitude complaisante, prise au service d'une formation politique, au détriment de l'intérêt général. Ce qui s'inscrit en faux contre l'article 159 de la Constitution stipulant que «les Assemblées élues assument la fonction de contrôle dans sa dimension populaire». Par ailleurs, l'Assemblée populaire nationale jouit de prérogatives de contrôle qu'elle exerce par le biais des questions écrites et des questions orales (art. 134 de la Constitution et 71 à 75 de la loi organique sus-citée). Cette action pourrait aussi prendre la forme d'interpellations (art. 131 de la Constitution et 65 à 67 de la loi organique), du contrôle de l'utilisation des crédits qu'elle a votés (art. 160 de la Constitution), de l'approbation du programme du gouvernement (art.80-81 et 83 de la Constitution et 46 à 48 de la loi organique). Le contrôle doit aussi s'exercer sur l'action du gouvernement qui doit rendre compte, à chaque chambre du Parlement, de l'utilisation des crédits budgétaires qu'elle lui a votés pour chaque exercice budgétaire (art 60). Il est donc clair que les institutions et organes de contrôle sont chargés de vérifier la conformité de l'action législative et exécutive avec la Constitution et de vérifier les conditions d'utilisation et de gestion des moyens matériels et des fonds publics. Pour sa part, la Cour des comptes doit intervenir en vertu de l'article 170 de la Constitution. Ce dernier stipule, en effet, que «la Cour des comptes est chargée du contrôle a posteriori des finances de l'Etat, des collectivités territoriales et des services publics». Comme elle établit un rapport annuel qu'elle adresse au président de la République. Ce qui n'est pas fait ou est fait dans la totale discrétion, pour ne point dire opacité. D'ailleurs, on n'en voit pas les résultats. En somme, les quelques expériences de commissions d'enquêtes mises en place par les différentes assemblées ont montré leurs limites, au point d'être qualifiées de commissions «étouffoir» ou commissions «alibi». C'est le cas des commissions d'enquête sur les événements de Kabylie et la fraude électorale de 1997 et dont les rapports n'ont pas vu le jour.