«C'est parce que l'école n'apprend pas à nos enfants à réfléchir qu'on a produit des générations violentes...», estime le professeur Zellal. Le système éducatif national, tel qu'il est appliqué actuellement dans les établissements scolaires algériens, s'avère un danger, aussi bien pour les enfants que pour la société. La sonnette d'alarme a été tirée hier par la professeur Zellal Nacéra, spécialiste des sciences du langage, orthophoniste et enseignante à l'Institut de psychologie et des sciences de l'éducation à l'université de Bouzaréah, en marge de la rencontre sur la mondialisation et l'éducation. Pour le professeur Zellal, «le système éducatif algérien, au lieu de s'attaquer aux problématiques de fond qui sont posées, s'intéresse plutôt à des questions de forme». Quelles sont ces questions de fond? Notre interlocutrice estime qu'il est du devoir de l'école de s'intéresser, de prime abord, à développer l'intelligence de l'enfant. S'appuyant sur les théories de Jean Piaget (spécialiste suisse de la psychologie de l'enfant), le professeur Zellal indique que «si l'intelligence de l'enfant n'est pas développée entre l'âge de 4 et 8 ans (période pendant laquelle la fonction hypothéco-déductive de l'enfant se forme), c'est sa capacité de réflexion qui est détruite de la base». En ce sens, Mme Zellal pointe du doigt les programmes scolaires enseignés actuellement dans les établissements scolaires algériens. «Nos enfants ne pensent plus, ils sont intellectuellement castrés», regrette notre interlocutrice qui ne va pas sans s'interroger: «Comment veut-on former l'élite alors que, à la base, on n'apprend pas aux élèves comment penser?» Suivant l'argumentaire de Mme Zellal, il s'avère qu'il est indispensable de développer la capacité de réfléchir chez l'enfant si l'on veut sortir du bourbier. «L'enfant d'aujourd'hui c'est la société de demain» estime-t-elle. Parlant tantôt en portant la casquette de spécialiste de la psychologie de l'enfant, tantôt en spécialiste des sciences du langage, le professeur Zellal estime que «c'est parce que l'école n'apprend pas à nos enfants comment réfléchir, et pour ainsi dire, réagir, que l'on a produit des générations violentes...» Nacéra Zellal pousse le bouchon un peu plus loin en reliant la qualité de l'enseignement que reçoivent les écoliers algériens, avec la propagation du phénomène dangereux qui est celui des enfants kamikazes. «Comment voulez-vous qu'on ait des adolescents qui réfléchissent avant de commettre un acte violent, si, à la base, ils sont intellectuellement estropiés?» s'interroge notre interlocutrice. Il est sans doute important de rappeler que, selon une enquête menée par le Centre antiterroriste des Etats-Unis, des adolescents âgés de 15 à 18 ans représentent environ un cinquième des kamikazes. Par ailleurs, à en croire d'autres spécialistes de l'éducation, les nouvelles réformes du système éducatif national sont d'autant plus «destructrices» qu'elles ne représentent pas les réformes élaborées par la commission ad hoc. Selon Mme Lardjane, membre de la commission chargée de la réforme du système éducatif, et ancienne inspectrice de l'éducation, l'une de ces défaillances, est l'enseignement de la langue française qui intervient à la troisième année de l'enseignement primaire. Pour Mme Lardjane, «en l'absence de l'enseignement préscolaire, susceptible de préparer l'élève, il est extrêmement dangereux d'enseigner la langue française à la deuxième année, alors qu'il vient tout juste d'apprendre les premiers éléments rudimentaires de la langue arabe». Enfin, de l'avis du professeur Zellal, «l'école est plutôt l'affaire des scientifiques, avant qu'elle ne soit celle des politiques».