Les deux pays veulent imposer un projet de résolution dans lequel ils penchent pour le plan marocain dit «d'autonomie». Graves dérapages au Conseil de sécurité de l'ONU. Les membres de cette instance sont divisés sur la question du Sahara occidental. Cela renseigne d'un terrible jeu de coulisses qui se prépare, mais surtout d'une impuissance de cette même institution à assumer ses propres résolutions. Certains membres du Conseil de sécurité reprochent à d'autres de vouloir privilégier la proposition de règlement du Maroc au détriment de celle du Front Polisario. Sans l'ombre d'un doute, les alliés traditionnels du Maroc, certains ligotés économiquement et d'autres historiquement responsables, jouent gros sur cette question, pourtant bien définie et correctement ficelée par les Nations unies. Lors des consultations ayant eu lieu vendredi, les quinze membres du Conseil de sécurité n'ont pu s'entendre sur un projet de résolution des Etats-Unis appuyé par la France, demandant aux deux parties de reprendre sans tarder leurs négociations directes sous les auspices de l'ONU. Nous ignorons encore les tenants et aboutissants du projet franco-américain, deux tuteurs traditionnellement connus du Palais royal. Les discussions devaient se poursuivre au niveau des experts, seuls en mesure de sauver les meubles. Quoi qu'il en soit, le Front Polisario avait favorablement répondu à l'invitation de Peter Van Walsum, envoyé personnel de Ban Ki-moon pour le Sahara occidental, concernant la tenue d'un troisième round de conciliabules, prévu en décembre à Genève. Toutefois, la partie marocaine tergiverse encore et tente même de saboter le processus de paix, en restant sur une position figée, celle d'un projet mort-né dit de «large autonomie pour le Sahara». Le Conseil de sécurité avait appelé, fin avril, dans sa résolution 1754, le Maroc et le Front Polisario à engager «des négociations sans conditions préalables aux fins de trouver une solution politique mutuellement acceptable qui garantit le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination». Après quoi, le Conseil de sécurité se montre divisé, quelques mois seulement après l'adoption de cette résolution, et risque de faire fausse route qui compromettrait le processus de paix. Une chose est sûre, seule l'organisation d'un référendum d'autodétermination, sous l'égide de l'ONU, est en mesure de mettre fin à un conflit vieux de 32 ans. Cette unique solution devra laisser aux électeurs sahraouis le choix entre trois options, à savoir le rattachement au Maroc, l'indépendance ou l'autonomie sous souveraineté marocaine tel que proposé par le Royaume du Maroc. Mais le Palais royal sait que les Sahraouis opteront indiscutablement pour l'indépendance. C'est pourquoi le Maroc tente, même au prix le plus fort, d'éviter le raccourci d'un référendum d'autodétermination. Le désaccord au Conseil de sécurité porte sur un paragraphe du projet de résolution qui, tout en «prenant note» des propositions distinctes faites par le Maroc et par le Polisario, «salue les efforts sérieux et crédibles du Maroc pour faire avancer le processus vers sa résolution». A l'issue des consultations, l'ambassadeur d'Afrique du Sud, Dumisani Kumalo, a accusé, sans les nommer, les Etats-Unis et la France de pencher pour la proposition marocaine. Ce n'est un secret pour personne. «Certains grands pays qui soutiennent le Maroc tentent de présenter la proposition marocaine comme étant plus importante que l'autre», a déclaré l'ambassadeur de l'Afrique du Sud. Et de préciser sur sa lancée que «l'important c'est la négociation, nous voulons que les deux parties négocient sur la base des deux propositions qui ont été présentées au Conseil. Donc, toute tentative désespérée de présenter le plan marocain comme étant la seule réponse possible est une perte de temps». De son côté, M'hamed Khadad, porte-parole du Front Polisario, avait expliqué de son côté que l'opinion dominante au Conseil de sécurité, lors des consultations, a été que les deux plans rivaux devaient «être traités de manière équitable». La France, jouant au trouble-fête comme à l'accoutumée, souhaitait, par la voix de son ambassadeur, Jean-Maurice Ripert, qu'un troisième tour de pourparlers se tienne prochainement «sur la base des progrès déjà accomplis, et notamment d'un plan marocain qui est crédible, efficace et qui nous paraît une base réaliste de discussion». Par ce gravissime procédé, la France confirme, par les actes, la mise en marche d'un pacte signé entre Sarkozy et Mohammed VI qui porte sur un soutien, au sein de l'ONU, de la politique d'annexion du Sahara occidental par le Maroc.