Alors que Rabat fait la promotion de son plan d'autonomie, le Front Polisario a réagi en présentant à l'organe exécutif des Nations unies, un aide-mémoire dans lequel il bat en brèche l'argumentation du projet marocain. Dans le document remis au Conseil de sécurité, le Front Polisario estime qu'au lieu d'une “solution politique mutuellement acceptable assurant l'autodétermination du peuple du Sahara occidental à laquelle appellent la Communauté internationale et le Conseil de sécurité”, le Maroc a soumis un plan d'autonomie “unilatéral, illégal et antidémocratique”. Affirmant que le Sahara occidental “n'est pas un territoire en mal d'autonomie, mais un territoire en mal de souveraineté”, les dirigeants sahraouis s'interrogent : “Quelle solution peut être plus juste, plus légitime, plus démocratique et plus acceptable que celle qui respecte la volonté des populations de ce territoire et qui se conforme aux exigences du droit international et des résolutions pertinentes des Nations unies ?” Partant de là, ils ne laissent planer aucun doute sur le fait que le problème ne peut donc être résolu par l'octroi d'une autonomie, aussi large soit-elle, mais seulement par “le libre choix de ses habitants originels qui décideront en toute liberté s'ils veulent ce territoire pour eux-mêmes pour en faire un Etat indépendant, ou s'il sont prêts à l'intégrer au Royaume du Maroc pour en faire une province de ce pays”. L'aide-mémoire présenté au Conseil de sécurité prend le soin de rappeler que le Sahara occidental qui figure depuis 1965 sur la liste des territoires non autonomes du Comité de décolonisation des Nations unies, le Sahara occidental relève de l'application de la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale portant Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux peuples et pays coloniaux. Il est également précisé que de son côté, le Conseil de sécurité, qui a constamment souligné la nécessité d'un “règlement juste et définitif assurant l'autodétermination du peuple du Sahara occidental” vient de réitérer, par sa résolution 1720 (2006), sa détermination à œuvrer à une solution politique mutuellement acceptable assurant l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Parmi les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale et autres organes relevant de l'ONU, le Front Polisario prend le soin de mettre en exergue un avis juridique de la Cour internationale de justice, lequel, suite à l'initiative du Maroc et de la Mauritanie, a, dans un avis juridique en date du 16 octobre 1975, statué en toute clarté que “les éléments et renseignements portés à sa connaissance n'établissent aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental, d'une part, le Royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien, d'autre part. La Cour n'a donc pas constaté l'existence de liens juridiques de nature à modifier l'application de la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale des Nations unies quant à la décolonisation du Sahara occidental et, en particulier, l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique des populations du territoire”. L'avis rendu par le Conseiller juridique de l'ONU, à la demande du Conseil de sécurité, le 29 janvier 2002, a également établi tout aussi clairement que le Maroc n'était pas une puissance administrante du territoire, que les Accords de Madrid de 1975, partageant le territoire entre le Maroc et la Mauritanie, n'avaient transféré aucune souveraineté à leurs signataires et enfin que le statut du Sahara occidental en tant que territoire non autonome n'avait pas été affecté par ces Accords. L'autre argument détruisant les thèses marocaines est le plan de règlement, approuvé par les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario et par le Conseil de sécurité par ses résolutions 658 (1990) et 690 (1991). Idem pour l'autre plan, intitulé Plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, conçu par James Baker, à la demande du Conseil de sécurité. Par ailleurs, il importe de relever que dans son rapport du 8 septembre 2006, la mission dépêchée au Sahara occidental par le Haut Commissaire aux Droits de l'Homme des Nations unies a recommandé : “Comme cela a été affirmé dans différents forums des Nations unies, le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental doit être garanti et appliqué sans délai”. Pour le Front Polisario, ce projet d'autonomie marocain, “qui fait table rase de tout ce que les Nations unies ont accompli à ce jour pour le règlement de ce conflit, représente, en fait, une nouvelle fuite en avant du Maroc en ce qu'il ne vise, ni plus ni moins, qu'à obtenir la reconnaissance par la Communauté internationale du fait accompli, ou, en d'autres termes, de la souveraineté marocaine sur un territoire non autonome sans satisfaire aux exigences de la doctrine et de la pratique des Nations unies en matière de décolonisation”. En fait, Rabat cherche à gagner du temps pour faire admettre aux Sahraouis et au monde son occupation illégale d'un territoire sur lequel la Cour internationale de justice a clairement établi qu'il n'exerce aucune souveraineté. Les dirigeants sahraouis estiment que le plan d'autonomie est condamné à échouer car il repose sur des prémices fausses, parce qu'il propose une solution inacceptable et dangereuse et parce qu'il fait l'impasse sur les aspirations nationales d'un peuple. K. ABDELKAMEL