«Dans le naufrage de la vie, la poésie est une chambre à air...», écrit l'auteur dans ce recueil où il est question de souffrance, d'absence, de colère, mais aussi d'amour et d'espoir... C'e n'est pas tous les jours que l'écrivain Anouar Benmalek «pond» un livre de poésie. Vendredi dernier, nous l'avons rencontré au stand des éditions Apic où il signait son nouveau recueil Ma planète me monte à la tête. Toujours affable, il a accepté de répondre à nos questions et nous parler de sa seconde passion pour les mots, dans sa version «poésie»... L'Expression: Le titre de votre recueil de poésie est plutôt «algorien»... Anouar Benmalek: Le titre fait référence à ce qui se passe sur notre planète qui peut être parfois scandaleux et insupportable. Ce n'est pas du tout le complexe «algorien», écologique dont vous parliez. Je parle à titre d'exemple d'une enfant que j'ai vu une fois en Inde, téter une chienne. Elle crevait de faim. On se demande comment une planète peut-elle tourner tranquillement et des choses pareilles peuvent se passer. En même temps, elle est tellement belle cette planète...y a de tout. De la beauté, de l'infamie...Il y a de quoi espérer et désespérer à la fois. J'aime notre planète, mais vraiment elle me monte à la tête. C'est le résultat de tous vos voyages, ces états d'âme? C'est 10 ans de voyage. C'est une espèce de journal, pas dans le sens de recensement d'événements. Ce sont des sentiments que je raconte car je n'ai d'autres moyens de le faire qu'avec la poésie. J'écris peu de poésie. Pourquoi? car la poésie c'est l'extrême pointe de la littérature. C'est son Himalaya. Ma distance naturelle est le roman. Parce que je n'ai pas plusieurs vies, la poésie me permet de condenser l'image d'un roman en quelques lignes. Une façon de souffler en abordant un autre genre de littérature... Souffler, oui. Quand j'écris un roman, moi je mets 2 à 3 ans sur le sujet. Vous ne le quittez plus. Cela est insupportable. Vous voulez sortir de cet enfermement et une des choses qui me permet d'en sortir est la poésie. Par moment, c'est une respiration. Parfois quand vous écrivez un roman, vous êtes dans la même situation que celui qui se donne comme tâche de traverser la mer. Quand il est au milieu, il ne peut plus revenir en arrière. Il sait qu'il lui reste la moitié du trajet à faire. Une de mes portes de sortie reste la poésie. Je lis, par ailleurs, beaucoup de poésie. De tout. En fait avant de commencer à écrire, je me met à lire de la poésie. C'est une sorte d'échauffement intellectuel. Mais c'est extrêmement important pour moi. J'écris un recueil tous les 20 ans. D'abord pour ne pas dégoûter mes lecteurs, ensuite pour engranger cette expérience. Le pire qui puisse arriver à un poète, c'est d'être prolixe. S'il a de l'habilité, il risque de ne pas chercher en profondeur. Vous écrivez vos poèmes, le soir, sous pulsion ou d'un jet? Dans un état semi-conscient ou de façon bien appliquée? Je n'ai pas vraiment d'horaires. Appelons cela pulsion. Mais après je retravaille beaucoup mon texte. C'est un plaisir de le retravailler. Le plus difficile est de trouver l'idée du poème. De l'exprimer. Nous avons un bagage limité de mots. Quand vous avez une sensation nettement nouvelle, comment l'exprimer? Avec quels mots? C'est la partie du travail que je préfère. Parfois, je parle d'événements qui me sont arrivés, mais le lecteur ne le sait pas. Car il y a le poids de l'écriture etc. Je suis impudique mais par rapport à moi... Vous diriez quoi à vos lecteurs pour qu'ils achètent ce livre? Je dirais une chose. C'est cette petite bande dessinée qui détermine le livre et dit ceci: «...Ainsi la poésie est, soit la chose la plus importante du monde, soit elle ne l'est pas. Dans le naufrage de la vie, la poésie est une chambre à air». La morale de cela: «La poésie est menteuse. C'est là son moindre défaut!» Je dis par là que la poésie est extrêmement importante et en même temps je dirais que le pire de ce qui peut arriver à quelqu'un qui écrit de la poésie, c'est de se prendre pour un poète. Il faut résister à l'intention d'être solennel. Ne jouons pas à être un poète. C'est ridicule. Vous arrive-t-il de différencier votre style d'écrivain de celui de poète? Je crois que j'ai deux manières d'écrire. Je pense avoir deux styles différents. Maintenant, il est évident qu'on reste soi-même. Ce n'est pas moi qui suis le mieux placé pour le dire. Le lecteur comme un médecin peut faire son propre diagnostic. Mais j'essaie d'être le moins lyrique possible. J'essaie de faire naître l'émotion de la manière la plus neutre possible. Faire naître l'émotion parce que je décris, non pas par les mots. Ne pas dire, c'est beau, mais faire en sorte que le lecteur, en lisant, découvre que c'est beau. Avec une description la plus clinique. C'est aussi un défi pour un auteur de créer l'émotion qui va avec. Le lyrisme peu maîtrisé, peut vous rendre grandiloquent. Je ne suis pas un poète lyrique mais j'espère l'être parfois sans le vouloir...Ecrire avec des mots banals, simples et créer à la fois un sentiment inattendu. Que les gens soient surpris par un sentiment qui les assaille. Mais c'est au lecteur de juger.