A quatre jours du lancement de la campagne électorale, les états-majors locaux des quelque neuf partis politiques en lice, à Annaba, mobilisent leurs militants, peaufinent et perfectionnent leurs stratégies. Ils y apportent les correctifs nécessaires afin de s'adapter aux derniers événements qui ont secoué la commune de Chetaïbi (65km au nord-ouest du chef-lieu de wilaya). Des discussions improvisées dans les cafés, des communications bidon dans la rue où le passant entend une supposée conversation louant telle ou telle formation, dans les marchés, les supérettes, les taxiphones, sur les places publiques, les parkings et autres lieux, on parle des candidats de son parti pour les encenser tout en diabolisant ceux des autres formations. La surenchère est de mise, chacun y va à sa manière pour faire colporter des rumeurs favorables à sa formation, le bon vieux téléphone arabe fonctionne à merveille et on serine à grosses doses sa littérature. Toutes les voies sont bonnes à emprunter pour conquérir les voix d'un électorat blasé et échaudé par les expériences précédentes. Un électorat devenu exigeant et très sélectif. Le sentiment et la passion n'ont plus de place et on juge les faits pour opter pour telle ou telle formation le jour J. Pour preuve, les 13 listes indépendantes retenues dans cette wilaya de l'Est sont localisées dans les petites communes telles El Eulma, Chorfa, Tréat ou Seraïdi et Oued El Aneb. Pour les autres, le nombre d'électeurs étant élevé, il a été impossible pour les prétendants de réunir le nombre de signatures exigées pour se porter candidat; les citoyens ne voulant pas cautionner ces outsiders. Le vieux parti, empêtré dans ses querelles intestines et laminé par une fronde irréductible qui fait beaucoup de dégâts, en est encore à entreprendre une sorte de restauration qui ne finit pas de finir, les ambitions des uns se heurtant aux appétits des autres. Le RND, fort de l'unité de ses rangs, se complaît déjà dans un triomphalisme ostensible et se voit présider aux destinées de la cité. Cela ne l'empêche pas, toutefois, de tenir des réunions à huis clos pour motiver encore plus ses militants et les pousser à aller de l'avant pour rafler la mise. «Rien n'est encore gagné, nous confie un responsable local, il est vrai que nous sommes favoris, nous avons des atouts mais il nous faut travailler sur le terrain, l'électorat est versatile et ces élections ne sont pas faciles.» Au MSP, la discipline est de rigueur. Militants et sympathisants sont tous rangés derrière leurs candidats. On préfère agir en douce, loin du tumulte et du brouhaha, pour convaincre avec force arguments assortis d'aides sociales aux plus démunis. Une recette qui a fait ses preuves par le passé et qui continue à être prescrite. Le mouvement En Nahda et son frère ennemi El Islah s'affrontent par islamistes interposés. Le discours emphatique mêlé de versets coraniques étant l'arme absolue. Chaque formation essaie d'attirer le plus d'électeurs de cette obédience de façon à s'assurer la victoire et détrôner ainsi l'adversaire. Les autres partis, le PT, le FNA, le FFS et le RA adoptent la politique du wait and see, observant et analysant ce qui se passe pour descendre plus tard dans l'arène et essayer de glaner quelques sièges. Dans cette course qui a commencé avant l'heure, tout reste cependant possible, malgré l'assurance et le triomphalisme de certains qui affichent une sérénité et une quiétude pour le moins fallacieuses.