La langue et la culture amazighes ont certainement contribué, à côté des autres cultures, à la construction du socle culturel et linguistique commun et à l'émergence de la pensée humaine universelle. Un grand nombre de constats récemment développés permettent de modifier complètement les traditionnels débats sur la langue amazighe, durant ce 12e Salon international du livre, mais aussi de valider de nouveaux regards et d'en esquisser une vraie prospective. Cependant, la langue amazighe, doit aussi profiter de l'emprunt aux autres langues internationales. Des constats et études récentes commencent à modifier assez substantiellement les termes du débat. A ces constats, les participants au débat sont naturellement invités à ajouter leur propre expérience et références. On s'efforcera, en effet, de fournir dans nos discussions des références concrètes et des analyses récentes, et non des sentiments subjectifs basés sur une démarche à sens unique, ce qui a, à notre sens, toujours détourné la langue amazighe des vraies questions sur son futur. Une telle chronologie d'une mutation qui s'opère quasiment sous nos yeux est illustrée par l'exemple de quelques éditions qui prennent cette cause en considération. En l'occurrence, Chroniques tizi-ouzeennes de 1844 à 1914, de Jean Crescenzo, Digest de Kabylie de Youcef Merahi...édités par les éditions Alpha. Chronologie du mouvement berbère de Ali Guennoun, Tamazight Sadh Rassen de Laïfa Aït Boudaoud, la traduction des fables de La Fontaine...édités par les éditions Casbah. Dictionnaire du vocabulaire de la langue berbère, de Abdenour Abdeslam, Proverbes et devinettes chaouis, Contes de Berberie du monde de Mohamed Salah Ounissi, Vava Inouva de Bouskine Boussad...édités par l'Entreprise nationale des arts graphiques. Le Haut comité à l'amazighité, souvent évoqué lui aussi par les médias, au travers, par exemple de la mise en place d'une commission de terminologie qu'il a voulu, destinée à préserver la communication de l'entreprise face aux influences. Son absence à ce 12e Salon international du livre s'est fait sentir. Une opportunité de participer aux côtés des autres cultures, à la construction du socle culturel et linguistique commun et à l'émergence de la pensée humaine universelle. D'ailleurs, une douzaine de nouvelles publications ont vu le jour, tels que Uzzu n'tairi de Hadjira Oubachir, La typologie en tamazight de Belgasmia...«De nombreux ouvrages sont en liste d'attente. Si leur édition ne voit pas le jour encore, le problème se situe aux moyens adéquats», nous a expliqué M.Merahi, président du HCA. Si la langue amazighe commence à apparaître aux yeux de beaucoup de décideurs comme un véhicule linguistique de la division et le tout comme contre-productif, le débat commence à concerner également les sensibilités. Un nouveau regard se fait aujourd'hui. On évoquera ici quelques-uns des deux points développés. La langue amazighe serait ainsi espace sémantique qui sait historiquement mener l'organisation de liens conceptuels et la gestion de la mise en rapport des démarches intellectuelles. Son adoption à des moments spécifiques par les milieux culturels et scientifiques n'est évidemment pas un hasard, l'innovation conceptuelle dont elle a été porteuse à bien des moments et qui a, en retour, souvent décidé de son évolution, que nous soyons à un moment-clé de son rôle dans les mutations culturelles et sociétales de notre temps. Elle explique aussi les méfiances dont son utilisation peut faire l'objet, par certains décideurs, son usage à certains niveaux est évidemment tout sauf neutre. Le champ de l'économie de la connaissance et les nouveaux horizons de transfert des savoirs qu'il suppose constitue aux yeux de beaucoup, une chance nouvelle pour la langue amazighe. Mais cela, on le reconnaîtra, avec peut-être de redoutables conditions, par exemple celle d'apparaître clairement comme une langue de l'expertise et donc comme une opportunité pour obtenir et gérer des savoirs, celle également d'apparaître comme un véhicule privilégié de l'excellence; n'oublions jamais son histoire à ce sujet. Pour mettre tout en ligne sans rien savoir. La langue et la culture amazighe ancrées dans la région méditerranéenne, éléments de l'une des civilisations les plus anciennes de cette région, ont certainement contribué, à côté des autres cultures, à la construction du socle culturel et linguistique commun et à l'émergence de la pensée humaine universelle. En analysant par exemple le fonds lexical des langues grecque et amazighe, l'on relève des centaines de mots communs aux deux langues et à d'autres langues de la région. Même constatation en ce qui concerne le substrat mythologique ou philosophique. Un conte peut exister sous différentes versions d'une région à une autre et d'une culture à une autre dans une même aire géographique. Le mythe d'Atlas ou celui d'Anzsar, par exemple, est narré différemment selon un scénario propre à chaque région. La création d'une académie algérienne avec un conseil pour la promotion de tamazight, est un acte de consolidation de la décision historique de la constitutionnalisation de la langue amazighe en 2002. Mais cela reste toujours de l'abstrait. Et pourtant, le Président de la République a signifié une certaine équité constitutionnelle pour tout ce qui représente l'identité nationale et que tamazight occupe, désormais, une place légitime dans l'échiquier institutionnel algérien; la preuve, on passe de la phase de la réhabilitation à la promotion et à la normalisation de la langue et de la culture amazighes. Pour le reste, le geste du président est courageux et d'une grande importance. Mais il est prématuré de s'avancer sur ce dossier tant qu'il reste dans les tiroirs.