Les élections locales risquent d'être boudées encore plus, comparativement aux dernières législatives. En 2004, à l'issue de l'élection présidentielle, les premiers éléments relevés étaient l'implication agissante des habitants des quartiers populaires qui se sont rendus en force aux urnes. Ceux des Planteurs, Saint-Pierre, Derb, M'dina J'dida...s'enorgueillissaient d'avoir voté massivement. Trois jours plus tard, la scène politique connaissait un revirement total. Et les électeurs commençaient à tourner le dos aux élections à partir des dernières législatives. Une preuve concrète. Seuls 35% des 750.000 inscrits se sont rendus aux urnes, ce qui représente un taux de 50% de la population d'Oran. Un faible taux de participation comparativement à la dernière présidentielle. Les élections locales sont à quelques encablures. Des questions s'imposent: les électeurs vont-ils voter le 29 novembre? Pourquoi voter? Pourquoi ne pas voter? Sinon, voter, est-ce pour élire des pseudos-élus qui ne savent même plus où se situent les intérêts des populations? «Des promesses en l'air et rien de plus», «leur campagne électorale et leur politique sont bourrées de mensonges et d'inepties», se désolent plusieurs citoyens rencontrés, notamment ceux des milieux jugés défavorisés. Un total désintérêt En plus du désintérêt qu'affichent les Oranais à la chose politique, ces derniers ne croient plus à ce qu'on appelle les autorités locales. Ce sont par ces constats désolants que nous avons été accueillis lors de notre virée dans les quartiers chauds d'Oran, en l'occurrence les Planteurs et Saint-Pierre, dont les aspirations des habitants sont le logement décent, le travail permanent et une vie sans discrimination. Des quartiers habités par des gens qui, pour la plupart, ignorent que le 29 novembre prochain sera le jour des élections locales. «Chawala sahbi, encore des élections, on a déjà voté, non?», se sont interrogés d'autres. Un large fossé sépare donc les pouvoirs publics et des populations qui ne croient plus aux discours. Les raisons sont multiples. Un désintéressement total est clairement proclamé par des populations désemparées. Des populations plutôt préoccupées par les obligations quotidiennes, laissant de côté les élections. Celles des quartiers populaires pensent autrement et voient d'un autre oeil les élections: «Rapportez fidèlement dans votre journal que les élections, c'est le pain, la pomme de terre, le lait, la farine, le travail, le logement décent, et la démocratie veut dire le droit de vivre dans la dignité», s'est offusqué Mokhtar, ingénieur au chômage. Ce désintérêt ajouté à la frustration, le paysage du jour J se dessine à l'avance. Et les réponses sont déjà là. Il est 14h quand nous descendons à Sidi El Houari. Le vieux Oran. Une image des plus désolantes s'offre aux passants. La ville du saint Sidi El Houari est en ruine. Plusieurs bâtiments sont à terre, effondrés après qu'ils eurent résisté pendant des siècles aux différents aléas de la nature et la main criminelle de l'homme. D'autres bâtisses sont en sursis. Les habitants épient le moindre changement climatique pour prendre la fuite et éviter une catastrophe. La place Kléber et le boulevard Stalingrad ne désemplissent pas. Un monde en éternel mouvement. Les gens sont préoccupés. Des policiers de la 7e Sûreté urbaine en faction font la ronde. Ces derniers observent une petite halte au lieudit El Bassane (le bassin), espace réservé au stationnement des bus qui desservent les Andalouses, Bousfer et Aïn El Turck, mais aussi secteur ciblé par des bandits. Deux jeunes, vraisemblablement recherchés, s'introduisent entre les passants et fuient subtilement. «Ici, l'agression fait rage. Il faut être armé d'un khoudmi (couteau) ou accompagné», atteste un citoyen. Un vrai climat de terreur est imposé par des désoeuvrés de tous bords dont l'âge ne dépasse pas la vingtaine. Prendre la route des Planteurs, quartier qui surplombe et domine Oran, n'est pas une mission aisée. Surtout aux heures de pointe. «Il faut attendre un clandestin», recommande un passant. Les Planteurs, un quartier qui jouxte la géante forêt de Murdjadjo, le poumon d'Oran. La culture du pin d'Alep est dominante. C'est un héritage colonial. C'est pourquoi, fort probablement, le faubourg fut nommé Planteurs. Les Planteurs abrite aujourd'hui pas moins de 80.000 âmes. Partie la plus pauvre d'Oran. Le drame des Planteurs L'habitat précaire constitue un lot important aux Planteurs. Le chômage y fait des ravages. Il touche toutes les catégories d'âge. C'est pourquoi les forces intégristes l'ont savamment investi, quelques jours après l'ouverture du champ politique en 1989. Les routes sont tortueuses, majoritairement impraticables. Aux Planteurs, les gens n'ont de préoccupation que le relogement, quelle que soit sa nature. LSP, social, Cnep, Opgi et tutti quanti, pourvu qu'ils aient un abri. Une éternelle problématique, un véritable casse-tête qui hante les esprits. Bab El Hamra est cette prison qui remonte très loin dans l'histoire. Elle fut récupérée par l'ANP après l'Indépendance. Puis elle a été évacuée au début des années 80. Plusieurs familles y ont élu domicile. Elle a été fermée après le relogement de ses occupants en juillet dernier. Un relogement qui a laissé son lot de séquelles dont les habitants se souviendront à jamais, opération qui a eu lieu sur fond d'émeutes et d'arrestations. La résorption de l'habitat précaire est une priorité. Les résidents des Planteurs souffrent le martyre. Les Planteurs figure en tête de peloton de cette situation. Ce quartier est bénéficiaire depuis 2001, à l'issue de la conférence internationale de Rio de Janeiro, de 9000 logements, financés par la Banque mondiale. Une conférence, rappelons-le, qui portait sur la lutte contre la pauvreté. Cinq quartiers en Algérie devraient être éradiqués, en l'occurrence Djazia à Oum El Bouaghi, Sidi Fredj à Tébessa, Baraki à Alger, Remka à Relizane et Les Planteurs à Oran. Depuis 2006 à ce jour, la wilaya d'Oran a procédé au transfert en deux fois de 2000 familles. Des transferts qui ont été émaillés par des émeutes et arrestations à la suite d'un mécontentement généralisé des familles qui s'estimaient lésées. Lors de la visite de travail qu'il a effectuée à Oran, le président de la République n'a rien laissé au hasard. La wilaya d'Oran a été passée au peigne fin. Plusieurs projets ont été sévèrement critiqués. Comme il a insisté sur l'impératif d'en finir une bonne fois pour toutes avec l'habitat précaire. Le président, dans sa démarche, n'a pas hésité un instant à rencontrer les mécontents des Planteurs. Il a même exigé l'installation d'une commission d'enquête. Chose faite, quelques jours plus tard. Seulement, le seul pépin réside pour l'heure au niveau des conclusions de cette commission qui ne sont toujours pas rendues publiques. Des masques devraient tomber s'il y a effectivement eu des dépassements, ne cessent de crier les habitants des Planteurs. Idem à Saint-Pierre, un autre lieu de toutes les inquiétudes. Au niveau de ce quartier, la vie est dure. La criminalité prend des proportions alarmantes. Il n'y a pas longtemps, un individu a été arrêté en possession d'une quantité importante de kif. Ce n'est qu'un échantillon à relever. Le quartier de Saint-Pierre ne diffère pas totalement d'un labyrinthe infernal interminable. Ainsi, pour la quasi-totalité des gens rencontrés, un seul consensus est dégagé, les élections locales risquent d'être boudées encore plus, comparées aux dernières législatives.