Ce sont le Medef côté français et le Forum des chefs d'entreprise côté algérien qui défrichent le terrain. Dès qu'on parle des relations algéro-françaises, ces derniers temps, deux dossiers reviennent à la Une. D'un côté le choix de Renault de construire une usine d'automobiles au Maroc, et de l'autre la venue du chanteur pied-noir Enrico Macias dans la délégation du président Nicolas Sarkozy. Dans les deux cas, il y a à dire et à redire. Concernant le choix de Renault, des explications plausibles n'ont pas été fournies. Sauf à laisser, du bout des lèvres, sous-entendre que le climat des affaires en Algérie n'est pas encore mûr pour lancer un projet d'une telle envergure. On parle entre autres, du difficile accès au foncier. Et concernant Enrico Macias, sa venue avait déjà suscité toute une campagne hostile, dirigée par l'actuel chef du gouvernement lui-même, il y a quelques années. C'est vrai qu'à l'époque M.Belkhadem n'occupait aucune fonction officielle. Les choses ont changé aujourd'hui, d'autant plus que le pays est entré dans une période de realpolitik et de pragmatisme; le chef de l'Exécutif lui-même adhérant à une telle évolution des choses. Cela dit, c'est surtout du côté des hommes d'affaires que les choses semblent bouger. Les différentes missions effectuées à Paris par M.Hamid Temmar n'ont pas produit beaucoup d'effets, mais les organisations patronales sont mieux outillées pour briser la glace et préparer le terrain à une coopération autrement plus favorable. Ce sont le Medef côté français et le Forum des chefs d'entreprise côté algérien qui défrichent le terrain. On laisse entendre du côté du FCE que la délégation française qui accompagnera le président Nicolas Sarkozy sera composée de 80 à 100 opérateurs économiques d'envergure. Il s'agira avant toute chose d'identifier les secteurs qui sont ciblés par le partenariat entre les deux pays. Si la France reproche à l'Algérie de rester frileuse dans la conduite des réformes, il va sans dire que la privatisation du CPA, à laquelle s'intéressent de près de nombreuses banques françaises dont BNP-Paribas, Société Générale ou Crédit Agricole, pourra être la locomotive d'un redéploiement dans le domaine. Mais il n'y a pas que les banques puisque Alstom a pu arracher de nombreux contrats dans le secteur des transports, que ce soit dans le métro d'Alger ou dans la modernisation des chemins de fer. Une longue tradition de coopération entre les deux pays, et qui remonte à loin (la France ne reste-t-elle pas le premier fournisseur de l'Algérie?), fait d'un certain nombre de secteurs des pistes éligibles au renforcement de la coopération, malgré des couacs et des problèmes de parcours, à l'instar de trois axes privilégiés que sont l'industrie pharmaceutique, l'agroalimentaire et l'automobile. Les opportunités d'affaires existent certainement, dans d'autres domaines, même si le secteur des banques et des finances sera déterminant en dernière instance. Par ailleurs, le président français voudrait faire de sa visite à Alger un levier pour la réussite de son projet d'Union méditerranéenne. Il y tient beaucoup, puisque c'est pour lui un projet politique d'envergure, et qui, d'un côté, renforcera la sécurité dans la région, aux portes sud de l'Europe, tout en étant une opération de prestige pour le chef de l'Etat français, de l'autre. Pour la reconnaissance de son action au plan international, surtout après le succès du mini-traité pour l'Union européenne; ou pour son action au Liban, où Bernard Kouchner déploie des efforts incroyables pour l'élection d'un nouveau président de consensus. L'autre volet et non des moindres est celui de l'énergie. En pleine campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait proposé d'aider l'Algérie dans le domaine du nucléaire civil en échange d'une coopération plus approfondie entre Sonatrach et Gaz de France. En fait, le chef de l'Etat français, qui est adoubé par les milieux d'affaires et les grands lobbies en France, a plus d'un tour dans son sac. Pratiquement, aucun volet n'échappe à son oeil de lynx.