Une bombe artisanale, dissimulée dans une bouteille de Coca-Cola, a failli exploser, hier matin, au marché de Boumati d'El-Harrach, lorsqu'un terroriste l'a jetée dans la foule. Cet attentat manqué relance la psychose des opérations à la bombe dans la capitale. Le marché de Boumati d'El-Harrach, un des endroits les plus fréquentés, à la périphérie Est, par les Algérois, surtout les vendredis en matinée, a failli connaître un carnage. Un terroriste, non identifié, traversant une des allées de ce marché, a jeté, précipitamment, un engin artisanal, enfoui dans un sac en plastique noir, sous l'étal d'un commerçant avant de se fondre dans la foule compacte. Les quelques témoins de cette scène, dans un geste de vigilance, se sont mis à crier à la bombe et un mouvement de panique indescriptible s'est emparé des riverains qui se sont mis à courir dans tous sens. Le marché s'est pratiquement vidé de lui-même en quelques instants et les services de sécurité ont aussitôt été alertés. Le marché bouclé, les services de la police scientifique sont entrés en action afin de désamorcer l'engin. Avec d'infimes précautions, la bombe artisanale a été désamorcée. Une enquête judiciaire a immédiatement été ouverte et, selon des sources concordantes, le témoignage des citoyens présents sur les lieux a été sollicité afin de donner le maximum d'indications sur le portrait-robot de l'auteur. Si ce second attentat à la bombe n'a provoqué qu'une peur légitime et qu'aucune victime n'est à déplorer à la différence de l'attentat de la rue de Chartres, qui a fait 34 blessés dont cinq graves, deux personnes ayant été amputées mercredi matin, les Algérois commencent à renouer avec la peur viscérale des attentats à la bombe. Ce second acte, en moins de 48 heures conforte la thèse qu'Alger est dorénavant sous la menace d'une campagne terroriste orchestrée à l'aide d'engins explosifs, qui, malgré leur aspect rudimentaire, peuvent provoquer des victimes, des dégâts matériels et psychologiques importants. Pour contrecarrer cette psychose, les services de sécurité ont multiplié, ces deux derniers jours, patrouilles et présence dans les lieux publics. Les barrages se font de plus en plus filtrants, les brigades mobiles de la police judiciaire (Bmpj), qui avaient contribué à «nettoyer» Alger des poches terroristes ces dernières années, ont fait leur réapparition et les gestionnaires des établissements publics ont reçu pour consigne de renforcer le contrôle et les fouilles à l'entrée des endroits publics tels que les cafés, les cinémas, les banques et autres marchés. Les autorités semblent anticiper les actes terroristes qui peuvent s'inscrire dans la durée. C'est ce qui peut transparaître de la réactivation d'une note ministérielle portant sur le contrôle des transactions immobilières. Cette instruction en date du 22 juin 1996 oblige les agences immobilières à déclarer toute location ou acte de vente d'un appartement. Cette mesure a été suspendue après l'accalmie sécuritaire de ces trois dernières années lorsque les groupes du GIA et du Fida utilisaient certains appartements dans des cités populaires d'Alger comme planques ou lieux de repli après les attentats. Si cette réactivation est mise en pratique, elle dénotera l'inquiétude croissante qui semble s'emparer des pouvoirs publics face à la reprise des attentats à la bombe dans la capitale.