Aucun incident sécuritaire n'a perturbé cette campagne même si l'Algérie est au centre d'une guerre mondiale contre le terrorisme. La campagne électorale, qui vient de s'achever, rappelle un peu ces rencontres de football moroses qui ne deviennent intéressantes qu'à quelques minutes du sifflet final de l'arbitre. Au moment où cette campagne devenait intéressante, elle prend fin hier à minuit, comme le stipule la loi. Les partis, qui se sont lancés dans cette aventure politique, ont-ils convaincu? Ils doivent attendre, tout comme l'administration d'ailleurs, le verdict qui sortira des urnes le 29 novembre prochain avec une peur bleue. Aucun sondage, aucune étude prospective ne peuvent percer le secret des urnes. C'est l'une des rares fois où l'administration et les partis politiques partagent un même souci: la crainte d'un fort taux d'abstention. L'échec sera difficile à digérer pour l'administration, et plus grave pour les partis politiques qui, en dépit d'une démobilisation pour la chose politique, ont pu capter l'intérêt des citoyens même avec un certain retard. Il aura fallu, en effet, que les chefs de partis politiques s'investissent eux-mêmes pour donner une certaine pesanteur à ce rendez-vous électoral. Il faut dire également que les thèmes choisis et les discours diffusés ont mis du temps pour prendre, mais ils ont fini par prendre. Il ne pouvait pas être autrement quand on entend les coups violents assénés par le patron du RND, Ahmed Ouyahia, à l'équipe gouvernementale drivée par Belkhadem, et l'art de l'esquive affiché par le chef de l'Exécutif. Fidèle à son discours d'opposant, le FFS a focalisé sur les «dérives voulues de l'administration». De même que Louisa Hanoune lie tous les dysfonctionnements et les dérives de l'économie nationale au choix de la privatisation pour lequel les pouvoirs publics avaient opté depuis des années déjà. Ce discours semble prendre, puisque ce parti prend de plus en plus d'épaisseur au sein de la société. Par tactique ou par maturité, les partis islamistes ont complètement changé de discours pour se consacrer aux préoccupations des citoyens. Plus de promesses d'aller au Paradis pour les électeurs, plus de promesses d'instaurer un Etat islamique qui garantirait justice et paix pour tous. Désormais, c'est d'un Etat démocratique qu'il s'agit. Quelle belle mutation pour des partis dont le socle idéologique s'oppose totalement à cette idée de démocratie! Il fut un temps où le MSP avait lui même substitué le concept à la Chouracratie. L'un des plus anciens, sinon le plus ancien, chef de parti né après l'ouverture démocratique, Saïd Sadi, a surfé sur une vague pour le moins inquiétante. Aux pires moments des événements du Printemps noir de Kabylie, on n'a pas entendu pareil discours: Sadi a parlé durant cette campagne de régionalisme «institutionnalisé au sein des structures de l'Etat». Allant jusqu'à citer des noms de commis de l'Etat «qui s'adonnent à cette pratique», le Dr Saïd Sadi a réellement surfé sur une vague dangereuse: «Pourquoi en étant arrivé à ce désastre qui voit l'administration de l'Algérie de novembre et de la Soummam s'abîmer dans un fonctionnement délinquant où des cadres de l'Etat se commettent dans le régionalisme le plus dégradant et s'autorisent publiquement les dépassements les plus indignes?» Voilà un discours grave, tout simplement grave! Mais il convient de relever qu'aucun incident ne s'est produit durant ces deux semaines de campagne. A l'exception de quelques dérapages et autres écarts de langage, on n'a pas assisté à des actes de violence. Le fait mérite d'être souligné, car l'Algérie est au centre d'une guerre mondiale. Une guerre mondiale contre le terrorisme. L'Algérie n'a pas été choisie au hasard et «Al Qaîda dans les Etats islamiques du Maghreb» porte bien mal son nom. Conduite par le Gspc, elle devrait plutôt s'appeler Al Qaîda en Algérie, car c'est de l'Algérie qu'il s'agit. Certes, demain, des bombes peuvent exploser au Maroc ou en Tunisie, mais elles ne changeront rien à la réalité du terrorisme dans la région du Maghreb. Cela étant, l'ensemble des leaders des partis ont animé des meetings populaires dans les wilayas de l'extrême ouest du pays, ont développé des discours prônant la prise en charge des préoccupations citoyennes et l'amélioration de la gestion des collectivités locales. C'est également un autre point positif à relever durant cette campagne. Il reste que le chemin qui mènera ces partis à la victoire est long, abrupt et ingrat. Car il faut dire que la situation des 1541 communes est catastrophique. Et gérer une catastrophe est souvent une opération ingrate.