Ainsi, pour les élections de juin 1997, la Kabylie s'est pratiquement divisée en deux entre votants et abstentionnistes. Est-ce que la défection du RCD et du FFS en Kabylie va infléchir l'abstention? C'est cette interrogation qui taraude les experts surtout si l'on examine les taux de participation en Kabylie durant la dernière décennie. Pour évaluer l'impact des appels au boycott des partis de Hocine Aït Ahmed et Saïd Sadi, il serait judicieux d'examiner les chiffres de la participation électorale en Kabylie parus au Journal officiel. Concernant les élections communales de 1990 et auxquelles le RCD avait participé, il y a lieu de constater qu'elles ont été marquées par un fort taux d'abstentiones au niveau des wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaïa. Ainsi, Tizi Ouzou n'a enregistré que 22,88% de participation pour les APC et 22,53% pour les APW. Béjaïa avait également enregistré des taux assez faibles avec 27,82% pour les APC et 26,80% pour les APW. Ces élections communales remportées par l'ex-FIS à une majorité écrasante, avaient tout de même permis au RCD de prendre la tête de quelques mairies en Kabylie avec des chiffres dérisoires quant à la participation. Ainsi, ce parti a remporté deux communes dans la wilaya de Béjaïa, dont Chelatta ave aux de participation de 8% et d'Ighrem avec 9,24% de votants. Le RCD a fait de même dans la wilaya de Tizi Ouzou puisqu'il a obtenu l'APC de Makouda ave aux de participation de 10% et celle de Skirat avec 7,59%. Les chiffres des élections communales de 1990, en l'absence du FFS, mais avec la participation d'un RCD fringant, témoignent du fait que si un seul parti est engagé, ils se situent autour de 20% de votants. Ce qui est plus faible que la moyenne nationale. Si l'on examine les chiffres des élections législatives et municipales de 1997 qui ont vu un engagement des deux puissants partis de la Kabylie, RCD et FFS, on constate que la tendance est certes à la hausse, mais que le phénomène de l'abstention est tout de même considérable. Ainsi, pour les élections législatives de juin 1997, la Kabylie s'est pratiquement divisée en deux entre votants et abstentionnistes. Malgré la campagne effrénée du FFS et du RCD, tenant meetings et rassemblements populaires, il n'y a eu que 49,80% de participation dans la wilaya de Béjaïa et 51,62% dans celle de Tizi Ouzou. Ce phénomène s'est stabilisé en septembre 1997 pour les municipales malgré le fait que ces élections concernent directement le quotidien des électeurs en Kabylie. Ainsi, Béjaïa n'a voté qu'à hauteur de 50,42 % pour les APW et 50,60% pour les APC. Tizi Ouzou n'en est pas loin en termes de participation aux APW avec 53,14% et 53,02% de votants pour élire les membres de l'APC. La lecture qu'on peut faire de ces chiffres, qui s'étalent sur une décennie, est qu'au mieux - participation active FFS-RCD, la Kabylie ne vote qu'à moitié (autour des 50%), au pire, participation d'un seul, elle flirte avec les 23%. Cela révèle la désaffection évidente de l'électorat des populations de ces deux wilayas de la Kabylie et prête à interrogation quant aux raisons profondes de cette désaffection. Certains spécialistes estiment, d'ailleurs, que «l'abstention a un sous-bassement historique qui date de l'indépendance et qui est habituel et traditionnel dès qu'il s'agit de la Kabylie». Mais ce que disent les chiffres est également intéressant à noter sur le fait que les partis politiques, fortement implantés en Kabylie, ne représentent pas la majorité des électeurs au regard de l'abstention récurrente. De ce point de vue, le taux de participation ne peut être considéré comme un indicateur du poids effectif des formations politiques en compétition. Ce qu'avancent ainsi les partis qui prônent le boycott en Kabylie (et ailleurs) est, de ce fait, contredit par la froideur matérielle des chiffres.