M.Roger Karouchi, secrétaire d'Etat français chargé des relations avec le Parlement, s'est dit «très hostile à tout ce qui ressemble à une repentance systématique». Qui veut jouer au pyromane? Faut-il encore jeter de l'huile sur le feu? «Je suis très hostile à tout ce qui ressemble à une repentance systématique, collective et insuffisamment à l'équilibre», c'est ainsi que s'est exprimé M.Karouchi sur la chaîne de télévision Canal+. Cela tombe à point nommé pour remuer à nouveau le couteau dans la plaie. Les tensions se sont apaisées à la suite de la sortie médiatique du ministre algérien des Moudjahidine, M.Mohamed Chérif Abbas. Ses déclarations ont soulevé un tollé général en France. Hommes politiques et médias, tous genres confondus, y ont vivement réagi dans l'Hexagone. La condamnation a été unanime. L'incident diplomatique a été frôlé et évité de justesse. M.Nicolas Sarkozy et M.Abdelaziz Bouteflika se sont livrés à un véritable jeu d'équilibriste pour faire taire une polémique qui ne demandait qu'à enfler. La visite d'Etat du président de la République française allait prendre du plomb dans l'aile. C'était sans compter sur la diplomatie algérienne qui allait déployer tout son savoir-faire. Les propos tenus «ne reflètent en rien les positions de l'Algérie», a déclaré M.Abdelaziz Bouteflika. Un correctif qui a pesé de tout son poids. Le chef de l'Etat algérien a rappelé que les relations internationales relevaient de son pré-carré. Incontestablement, on venait de piétiner sur ses plates-bandes. Il n'a fait que remettre de l'ordre dans la maison. L'Algérie officielle ne s'exprimera que d'une seule voix. M.Nicolas Sarkozy n'y a pas été insensible. «Je viendrais en Algérie en ami», a répondu le chef de l'Etat français. Reste qu'une question de fond reste toujours d'actualité. La France peut-elle construire une relation d'avenir avec l'Algérie sans avoir «soldé» son passif colonial. «Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République: liberté, égalité, fraternité», a déclaré le président de la République française, M.Nicolas Sarkozy, dès qu'il a mis le pied sur le sol algérien. Un premier pas venait d'être franchi...et il poursuit: «Mais il est aussi juste de dire qu'à l'intérieur de ce système, il y avait beaucoup d'hommes et de femmes qui ont aimé l'Algérie, avant de devoir la quitter. Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long de la guerre d'Indépendance, qui a fait d'innombrables victimes des deux côtés». La France cède mais ne rompt pas. La France reconnaît l'abominable mais ne s'excuse pas...Est-ce suffisant pour ramener la sérénité? Néoconservateurs et «famille révolutionnaire» d'une part, nostalgiques de l'Algérie française d'autre part. Deux blocs s'affrontent. L'enjeu? Pour les Algériens, la France doit présenter ses excuses pour les crimes commis durant la colonisation. Du côté français, les nostalgiques de l'Algérie française ne veulent céder en rien. En témoignent la loi du 23 février 2005 qui glorifie la présence française en Algérie et le «mur-musée» inauguré le mois dernier à Perpignan, à la mémoire de soldats français morts durant la guerre d'Algérie. La «provocation» avait atteint son comble lorsque en 2005 en pleine polémique sur la loi du 23 février, une stèle a été érigée à la mémoire de la tristement sinistre OAS, à Marignane. La cérémonie a eu lieu en présence du maire de cette ville de la banlieue marseillaise. Chacun de ces actes est vécu comme une atteinte à la mémoire des milliers de martyrs algériens. Une agression qui n'a d'égale que les souffrances, les brimades et les crimes subis par le peuple algérien. Rien ne peut le contester. Le président de la République française l'a reconnu. «C'est le travail de mémoire que je suis venu proposer au peuple algérien», a déclaré M.Nicolas Sarkozy. La repentance est comme l'attente d'un bébé en gestation. Finira-t-on par accoucher d'un traité d'amitié malgré tout? Quelle forme prendra-t-il? Quand et comment? Trop de questions qui ne ménagent aucunement la mémoire. Quand, dans l'Hexagone, certains s'affairent à glorifier la présence du colonialisme français en Algérie, on ne peut se taire à Alger. On exige des excuses officielles. Les chefs d'Etat français et algérien, MM.Sarkozy et Bouteflika se transforment en funambules. Sans être sur la corde raide, ils interviennent pour faire taire les voix discordantes. Eteindre le feu dès qu'il se rallume.