S'il se confirme que Emaar s'en va, cela ne manquera pas d'avoir un impact sur les autres projets des investisseurs moyen-orientaux. Présenté comme l'investisseur du siècle en Algérie, le groupe émirati Emaar pourrait avoir plié bagage sans avertir. La bureaucratie algérienne aura eu raison de lui. Résumons-nous: quels étaient les projets de Emaar en Algérie. Il y a la nouvelle ville de Sidi Abdellah, la transformation de la baie d'Alger à partir de la gare Agha, la construction d'un ensemble santé (hôpital, école, remise en forme), l'aménagement de la plage du colonel Abbès (près de Zéralda). Le tout nécessitait un investissement de plus de 20 milliards de dollars. Personne n'avait encore jamais apporté une telle somme dans la cagnotte. Le groupe avait reçu toutes les garanties de la part des autorités algériennes. Ses responsables furent reçus par le président de la République, à qui des maquettes furent présentées. Tout semblait baigner dans l'huile. Ces projets s'intéressaient au tourisme, à l'immobilier, aux nouvelles technologies de l'information et des communications. C'est le visage d'Alger et de ses environs qui était appelé à être modifié. Une première sonnette d'alarme fut tirée il y a quelque temps, mais les autorités algériennes étaient intervenues pour dire que tout allait pour le mieux et que les malentendus étaient levés. D'autres investisseurs émiratis étaient venus en Algérie, porteurs de projets tout aussi ambitieux. Aujourd'hui, ce que l'on peut dire, au cas où la défection du groupe s'avère vraie, c'est que le climat des affaires est vraiment malsain en Algérie, et cela jette une lumière crue sur le choix de Renault de construire une usine de montage au Maroc plutôt qu'en Algérie. On ne pourra pas également passer sous silence les déboires de Lacom, boîte de télécoms de la téléphonie fixe formée par un consortium égyptien, pour concurrence déloyale, sans que l'Artp bouge le petit doigt. On peut également citer le cas de Michelin (qui fabrique des pneus industriels) et qui réduit son personnel en Algérie. Le camouflet le plus voyant concerne le désistement des banques espagnole et américaines de la privatisation du Crédit populaire d'Algérie (CPA), ce qui a amené au gel de l'opération. On a prétexté la crise des subprimes, mais il est possible que des difficultés liées au climat des affaires en Algérie soit la véritable raison de ce désistement. Qui a raison, qui a tort? Dans la genèse de tous ces ratés, il y a deux dossiers à incriminer, et qui sont une spécialité algérienne. Il s'agit du foncier et des banques. Le foncier d'abord: le gouvernement n'a pas cessé depuis plusieurs années de dire que des zones industrielles sont à la disposition des opérateurs, mais dans la réalité, ces derniers ne savent pas à qui s'adresser pour obtenir une assiette foncière. Les terrains qui sont cédés à des affairistes véreux sont ensuite revendus à prix d'or, privant les véritables promoteurs et les investisseurs potentiels de pouvoir en bénéficier, au détriment de la croissance et de la création de postes d'emploi dans le pays. Il y a donc, par conséquent, une mafia qui contrôle l'investissement dans ce pays. Et qui tamise tout. Quant à la réforme bancaire, personne n'arrive à comprendre les raisons de ses reports répétés, alors que dans le monde entier, les banques sont passées à une autre étape, celle du monde virtuel. Chez nous, non seulement le chèque peine à s'imposer, mais en plus, on en est encore à traîner des centaines de milliards dans des sacs poubelle. L'informel a encore de beaux jours devant lui. A eux deux, le foncier et les banques vont faire capoter la crème des projets et des investissements en Algérie. Dommage! On ne pourra s'en prendre qu'à nous-mêmes.