Au niveau des hôpitaux de Ben Aknoun et de Beni Messous, seuls deux blessés ont été gardés hier sous surveillance médicale. «Je vois toujours noir, j'ai besoin de soins psychologiques», dit M.Fertas, agent de service en orthopédie et traumatologie à l'hôpital de Ben Aknoun. Une séquelle qui risque de lui causer d'autres problèmes psychiques, pour avoir vu des corps déchiquetés par la déflagration. Particulièrement les deux victimes carbonisées. Tout ceci l'a particulièrement marqué. «Un pantalon taché de sang, une chaussure, un portable, l'emblème de notre pays, une main, un genou... Sont des images insoutenables qui reviennent dans mon esprit», se plaint cet agent encore sous le choc. Les corps étaient démembrés. Déchiquetés. L'image était horrible. A l'intérieur de l'hôpital, point de monde. On n'entend plus les sirènes. Et surtout pas de sirènes qui écorchent les oreilles, ni ces cris d'enfants terrifiés. Une liste faisant état du bilan final est sur la porte. 37 blessés. Des Algériens, évidemment, mais aussi un Chinois non identifié et un Camerounais Tarkan Salomon. Le bilan macabre n'a pas connu de changement. Deux personnes ont péri. A l'exception de quelques blouses blanches assurant leur travail, les couloirs étaient désertés. On pense à un vendredi. Deux blessés uniquement sont encore sous surveillance. Mme Hadad Hadda, âgée de 44 ans est fonctionnaire à la Cour suprême. Fracturée au coude, cette dame originaire de Birkhadem est mère de 3 enfants. Des stigmates sont bien là. Allongée sur son lit d'hôpital, la victime d'une voix lasse s'adresse à nous «C'est nous, les pauvres citoyens qui subissons les conséquences de ce genre de tuerie.» «Elle rentre chez elle dans l'après-midi», rassure un médecin. Interrogée, Melle Kemiche, surveillante médicale précise que «30% des blessés présentent des polyfractures.» A l'instar de ses confrères, elle veille à la santé des patients. D'une voix douce, elle a mis en exergue le travail des médecins et du staff paramédical. Les agents de service ainsi que les femmes de ménage... personne n'a lésiné en efforts. «Il nous faut une cellule de psychologie pour intervenir dans ce cas d'urgence», poursuit-elle. L'autre blessé est Med Khemissi, chauffeur au siège du Conseil constitutionnel. Main, jambe... et une cheville bandées, cet homme âgé de 37 ans, originaire d'Hydra, ne sait plus quoi dire en dépit d'une nette amélioration constatée quant à son état de santé. «Je vais guérir...», a-t-il espéré. Il était à deux lieues de l'explosion. Deux autres personnes qui l'accompagnaient ont rendu l'âme. «A ce moment, alors allongé à terre, une personne vient me porter secours. J'ai senti une tendresse maternelle, et j'ai su que j'étais en vie», a-t-il confié. Il était midi passé. La circulation était fluide. Quelques minutes plus tard, on arrive à l'hôpital Issad-Hassani à Beni Messous. Des agents en uniforme assurent la sécurité des citoyens. Comme à l'accoutumée. Un médecin spécialiste nous rassure: «Tous les blessés sont rentrés chez eux.» Les blessures étaient légères. Personne n'est passé sur le billard. Si plusieurs vies humaines ont été sauvées d'une mort certaine, le mérite revient aux blouses blanches. Leur travail était infaillible.