Enseignants, infirmiers, médecins et administrateurs, ils s'adonnent le plus souvent à une activité secondaire pour arrondir leurs fins de mois. Saïd est à la fois enseignant, maquignon et trabendiste. Salim, lui, est gérant d'une bijouterie parallèlement à son métier d'adjoint d'éducation. Achour, lui, a préféré la correspondance de presse pour arrondir ses fins de mois. Comme eux, ils sont des milliers de travailleurs algériens à exercer de petits métiers en plus de leur fonction principale. Un seul salaire ne nourrit plus son homme. La baisse continuelle du pouvoir d'achat et l'absence d'une réponse adéquate de la part des pouvoirs publics poussent de plus en plus d'Algériens vers d'autres activités afin de subvenir dans les meilleures conditions aux besoins de leurs familles. Depuis l'ouverture économique des années 90, le travailleur algérien fait face à une flambée continuelle des prix des produits de première nécessité. Avec un salaire loin de refléter la réalité des prix des produits de consommations sur le marché, le travailleur, qu'il soit fonctionnaire ou ouvrier, se voit contraint de recourir à des activités de soutien. C'est l'unique moyen de s'en sortir dans ce climat de cherté. Autant l'activité principale servait de garantie sociale, autant la secondaire comblait le déficit pécuniaire nécessaire à une vie décente. Ils sont enseignants, infirmiers, médecins et administrateurs à avoir souvent recours aux emplois divers pour améliorer leurs conditions de vie. Si l'activité secondaire est compatible avec la principale, à l'image d'un enseignant qui assure une correspondance de presse, des cours de soutien, dans certains cas, la contradiction devient lourde à supporter au point de se demander comment a-t-on pu en arriver là? C'est le cas de cet enseignant qui vend des moutons au marché ou encore celui-ci qui, dès la fin des cours, active dans son poulailler. Dans les administrations, les mieux placés acceptent sans retenue des «cadeaux» pour services rendus. Certains signes extérieurs attestent souvent d'une activité encore plus rentable. La majorité des travailleurs sont cependant forcés de se lever tôt et de se coucher tard pour un peu plus. Travailler plus, pour gagner plus. Karim est enseignant. Il exerce dans une zone rurale. Après les cours, il s'arrange toujours pour être présent au marché de la ville la plus proche. Sa spécialité: les vêtements «made in». «Je gagne plus que ce que l'éducation nationale m'offre», s'enorgueillit-il. Dans une région montagneuse, un autre enseignant s'est amusé, des années durant, à faire de ses élèves des clients permanents avant d'ouvrir sa propre bijouterie. Ailleurs, le recours à l'élevage des poules, ovins et bovins est légion. L'échange de devises est un autre créneau auquel ont recours bien des fonctionnaires. Il en est de même pour le commerce de véhicules. Ces métiers secondaires deviennent, par la force des choses, l'activité principale au vu du gain qu'ils procurent. L'activité principale n'est alors gardée que pour ce qu'elle offre comme avantages sociaux. La couverture sociale pour toute la famille et bien évidemment la retraite. Les fonctionnaires de la République n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, et si aujourd'hui ils arrivent à assurer à leurs enfants une vie décente, ce n'est que grâce à leurs activités secondaires dont ils ne s'en cachent plus. «J'aurais aimé me contenter d'un seul emploi si seulement ce dernier me donnait les moyens de bien vivre», affirme Saïd avant d'expliquer: «Un salaire doit, en principe, m'assurer la nourriture, l'habillement et des vacances comme cela se fait ailleurs.» Même si la loi interdit le cumul d'emplois, les citoyens prennent tout de même ce risque. Et c'est généralement au noir qu'ils exercent ou sous des prête-noms, comme ce fonctionnaire qui gère une agence immobilière dont le registre du commerce est au nom de son épouse. «La fin justifie les moyens.»