Une peur s'est installée depuis les premières interpellations opérées dans les rangs des animateurs. Hormis le chef-lieu de la wilaya, les grands centres urbains de Béjaïa ont vécu la journée d'hier au rythme des marches et grèves. Au-delà du caractère pacifique du mouvement qui semble être retrouvé à l'occasion de ces manifestations qui ont eu lieu, dans leur majorité, sans heurts, les délégués de la CICB, qui ont initié ces actions, ont voulu surtout briser le mur de la peur. Une peur qui s'est installée depuis les premières interpellations opérées dans les rangs des animateurs. Outre les réunions qui se tiennent régulièrement au vu et au su de tout le monde, les animateurs de la coordination intercommunale de Béjaïa semblent reprendre du poil de la bête pour être au-devant d'une jeunesse trop souvent «manipulée», en témoignent ces multiples appels à la vigilance et à cesser les émeutes comme mode de lutte. En réaffirmant à plusieurs reprises le caractère pacifique et revendicatif du mouvement citoyens, les délégués communaux lancent des messages aux jeunes pour «poursuivre le combat pacifiquement», mais aussi aux autorités pour leur signifier que «les interpellations n'entament en rien notre détermination à poursuivre le combat jusqu'à satisfaction pleine et entière des revendications». A Sidi Aïch, le petit groupe de personnes qui s'est rassemblé à 10h au point de départ de la marche (place des Trois Horloges) a vite grossi. Tous les hésitants ont fini par rallier le groupe qui s'est transformé en une gigantesque procession humaine arpentant les principales artères de la ville. Plusieurs haltes ont eu lieu tout au long du parcours pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes du Printemps noir. Les organisateurs, très vigilants, ont pris soin d'éviter tout les points sensibles en veillant aux moindres dépassements. Arrivé à la place de la mairie, le délégué de Tinebdar prend la parole pour dire que «cette manifestation est une leçon au pouvoir qui ne peut s'accommoder d'une société qui bouge». Abordant les dernières interpellations, il aura cette réflexion lourde de sens: «Au moment où les gendarmes assassins vivent tranquillement chez eux, les délégués qui revendiquent croupissent en prison.» Et comme pour répondre aux pressions du pouvoir, l'orateur a lancé: «Tous les citoyens sont des délégués, vous ne pourrez jamais venir à bout de notre combat», avant de conclure: «Nous refusons de sombrer dans le terrorisme.» A Akfadou la coordination locale a opté pour un meeting populaire à Ferhoune. Au cours des différentes interventions, les délégués ont réitéré la nécessité de poursuivre le combat en rendant un hommage à leur délégué arrêté, en l'occurrence Farès Oudjedi. Par ailleurs, autres localités ont été le théâtre de manifestations pacifiques. A El-Kseur, la marche initiée par le comité local a failli tourner au vinaigre lorsque les services de sécurité sont intervenus pour l'en empêcher. Mais c'est à la fin que quelques escarmouches ont eu lieu. Les CNS ont lancé des bombes lacrymogènes pour disperser la foule qui a riposté par des jets de pierres pendant un bon moment avant que le calme ne revienne. A Akbou, la marche a été tout simplement empêchée sans pour autant qu'il y ait de violence. Du côté du Sahel, seule la localité de Souk El-Thenine a connu une marche populaire qui, selon les informations qui nous sont parvenues de cette région, s'est déroulée dans le calme et n'a pas drainé grand monde. Notons enfin que le mot d'ordre de grève n'a été que partiellement, suivi notamment dans les régions qui n'ont pas enregistré de marches.