Le chef de l'Administration américaine ne fait pas dans les demi-mesures, accusant la République islamique d'être un danger pour la planète. Rien que ça! M.Bush faisant dans l'emphase, a surdimensionné la présumée menace que constituerait l'Iran «pour la sécurité des pays du monde». Ce qui, à l'évidence, est à tout le moins excessif. Et tout ce qui est excessif reste insignifiant. A ce que l'on sache ce n'est pas la République islamique d'Iran qui entretient des bases militaires et navales à Porto Rico, à Hawaï, en Floride ou en Alaska, en Europe et en Asie, ni ses bombardiers, lestés de bombes atomiques, qui parcourent, H24, le ciel de la planète, que sa flotte se tient au large des eaux territoriales américaines. A force de vouloir convaincre de la nuisance supposée de l'Iran. M.Bush risque surtout d'obtenir l'effet contraire, car à trop forcer le trait le chef de la Maison-Blanche dépasse ses objectifs, prenant même, si cela se peut, ses interlocuteurs arabes pour des demeurés. Ceux-là savent pertinemment qu'une guerre avec l'Iran sera d'abord catastrophique pour les pays du Golfe et du Moyen-Orient. A Abou Dhabi, où il s'est «adressé» directement aux Iraniens, le président américain, George W.Bush, a déclaré que «les actions de l'Iran menacent la sécurité des pays à travers le monde» indiquant: «Les Etats-Unis renforcent donc leur vieil engagement en matière de sécurité auprès de leurs amis dans le Golfe et rassemblent des amis dans le monde pour faire face à ce danger avant qu'il ne soit trop tard.» M.Bush s'est donné pour objectif lors de sa tournée moyen-orientale de «rassurer» les monarques arabes qui se sentiraient, à en croire les déclarations de responsables américains, menacés par l'Iran. Or, aucun pays de la région n'a donné cette impression ni, jusqu'à preuve du contraire, ne s'est plaint du voisin iranien dont les activités nucléaires entrent de plain-pied dans les règles induites par le TNP (Traité de non-prolifération nucléaire, traité dont le seul pays de la région qui ne s'y plie pas, et se singularise par son unilatéralisme, est Israël). Chez les peuples (sans doute les monarques aussi) du Golfe, George W.Bush apparaît surtout comme le porte-voix d'Israël qui prétend interdire à tous les pays arabes d'accéder à la connaissance de la science nucléaire. Donc, le président américain, à partir d'Abou Dhabi -situé juste en face de l'Iran de l'autre côté du détroit d'Ormuz- s'est adressé aux Iraniens et aux dirigeants de ce pays, déclarant aux premiers: «Vous avez le droit de vivre sous un régime qui est à l'écoute de vos souhaits, respecte vos talents et vous permet de bâtir une vie meilleure pour vos familles.» Ajoutant: «Malheureusement, votre gouvernement vous refuse ces chances et menace la paix et la stabilité de vos voisins.» Et il poursuit faisant la leçon aux seconds, les appelant à «écouter (la) volonté» du peuple iranien. «Nous appelons le régime à Téhéran à écouter votre volonté et à vous rendre des comptes.» Si les petits émirats, comme Qatar, Bahreïn ou les Emirats arabes unis, écoutent leur puissant allié, mais n'en pensent pas moins, ce n'est pas le cas pour l'Arabie Saoudite qui n'entend pas se faire bousculer dans son jardin et n'a pas manqué de le faire savoir par la presse du Royaume proche du Palais royal. Mais c'est le prince Fayçal, ministre des Affaires étrangères, qui a donné le ton même si ses déclarations restent feutrées et empreintes de diplomatie. Le prince Fayçal a, ainsi, déclaré mercredi -au moment où l'affaire de l'incident entre les marines américaine et iranienne est montée en épingle par le Pentagone- «Nous écouterons avec intérêt toute question soulevée par le président Bush (...) mais l'Arabie Saoudite est un voisin de l'Iran dans le Golfe, qui est un petit lac, et nous souhaitons que l'harmonie et la paix prévalent entre les pays de la région.» Le prince saoudien répondait à une question sur la volonté affichée de M.Bush d'évoquer avec les dirigeants régionaux les «ambitions agressives» de l'Iran. Une fin de non-recevoir qui, quoique officieuse, n'en remet pas moins à sa juste dimension la «menace» iranienne, si évidemment menace il y a. Or, outre les 160.000 soldats stationnés en Irak, les Etats-Unis entretiennent dans la région une véritable armada constituée par les forces stationnées au Koweït, au Qatar (QG du Commandement américain pour le Moyen-Orient, avec sa force d'intervention rapide) à Bahreïn, quartier général de la Ve flotte, qui patrouille dans les eaux du Golfe et du détroit d'Ormuz, en sus de navires de guerre positionnés dans et autour du Golfe. Alors, qui menace la sécurité des pays du monde? Les Etats-Unis qui exercent leur hégémonie sur la planète semblent ne pas concevoir que subsiste une toute petite partie, l'Iran, qui échappe à leur contrôle. Ceci explique sans doute cela, mais il reste que le président Bush pousse le bouchon un peu loin jusqu'à n'être pas crédible auprès de ceux-là même les mieux disposés à son égard, ces Arabes, dit modérés, qu'il veut entraîner dans sa croisade contre l'Iran.