A défaut de prouver le mythique réarmement de l'Irak, le président américain s'est complu dans sa rhétorique habituelle sommant, au passage, l'ONU d'agir, voire de s'exécuter, par l'adoption, notamment, d'une résolution sur mesure (pour ne rien laisser au hasard, c'est son alliée privilégiée, la Grande-Bretagne qui serait chargée d'en rédiger le texte) permettant aux Etats-Unis de solder leurs comptes avec un pays que, décidément, ils ne portent guère dans leur coeur. L'Irak serait-il ce monstre odieux tel que le décrit l'administration américaine, capable de tous les forfaits, véritable superpuissance mondiale, nécessitant l'alliance universelle contre lui? N'est-ce pas excessif et peu en rapport avec la réalité, d'autant que rien, jusqu'ici, n'est venu appuyer les soupçons, ou les accusations américains. Il est vrai que les hommes du Baath irakien ne sont point des enfants de choeur, loin s'en faut, mais de là à en faire des super-criminels, ou de façon grandiloquente, des supermen ignorés, menaçant à eux seuls, la quiétude et la sécurité de la planète, voilà qui est, à tout le moins, difficile à faire admettre à la communauté internationale, et, en tout état de cause, peu efficace en l'état actuel des rapports internationaux. M.Bush, dans son discours de jeudi, qui n'a été qu'une compilation d'imputations archiconnues sans aucun élément nouveau susceptible de faire réviser son opinion à la communauté internationale, unanime à mettre en garde les Etats-Unis contre une option unilatérale contre l'Irak. Le président américain, qui semble vouloir faire oeuvre de salubrité publique aurait été plus crédible, s'il avait associé - dans ses admonitions au président Saddam Hussein -, le criminel de guerre israélien, Ariel Sharon, de même qu'Israël, qui défie l'ONU depuis au moins 1967 en refusant d'appliquer les résolutions de l'ONU, sur les territoires occupés, maintenant cinq millions de Palestiniens dans un état d'apatrides. Mais non, suffisant, souvent arrogant, le chef de la première puissance mondiale, parle en empereur de la planète et ne s'attend pas que ses décisions soient remises en question. Du haut de la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, George W.Bush, déclare: «Nous devons défendre notre sécurité, les droits inaliénables et les pouvoirs de l'humanité. Par tradition comme par choix, les Etats-Unis le feront», insistant: «Les résolutions du Conseil de sécurité seront appliquées (...) ou bien alors une action sera inévitable». N'est-ce pas faire trop d'honneur à l'Irak de Saddam Hussein, qui reste un pays en développement si jamais on l'avait oublié, que de faire accroire au monde qu'il dispose de moyens militaires identiques à ceux des USA, de la Russie ou des autres grandes puissances nucléaires? Plus le mensonge est grand, plus...Tout de même, d'autant que le monde entier a pu constater, lors de la deuxième guerre du Golfe, (janvier-février 1991) après des campagnes similaires menées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, lesquelles donnaient à croire que l'Irak n'était autre que la quatrième puissance nucléaire mondiale. Après la destruction de ce pays et l'implosion de son infrastructure scientifique et industrielle, il est bien apparu qu'il n'en était rien. Plus la déconfiture de l'armée irakienne a, en revanche, montré que cette armée n'était qu'une armée de soldats de plomb. Alors, à quoi rime cet acharnement contre un pays soumis, par ailleurs, depuis onze ans à un cruel embargo international? La sécurité et les droits internationaux inaliénables ne sont-ils pas plutôt mis en danger et menacés par le diktat israélien qui refuse d'appliquer les nombreuses résolutions de l'ONU concernant le dossier palestinien? Ne serait-il pas plus judicieux que M.Bush, qui soutient contre toute raison le criminel de guerre Ariel Sharon, balaie d'abord devant sa porte, avant que de s'occuper de rendre le monde meilleur qu'il ne l'est? Dans toutes ses interventions le président américain avait privilégié l'appel à la force et aux menaces, qu'à laisser leur chance à la raison et au dialogue, abusant de fait de la position dominante et dominatrice, unique, qui est celle de son pays. Car, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a beau avertir que seul le Conseil de sécurité de l'ONU a la légitimité nécessaire pour décider d'une action militaire contre un Etat souverain, on peut se demander après l'ultimatum de Bush, de quelle légitimité il pourrait bien être question, lorsque le président américain, partisan de la manière forte contre l'Irak, met quasiment au pied du mur les Nations unies, les sommant d'agir contre l'Irak. A la tribune des Nations unies, M.Bush n'avait qu'un mot à la bouche, celui de «violence» imposant son diktat à la communauté internationale, en n'admettant aucun autre point de vue sur le dossier irakien. L'homme le plus puissant du monde a été bien décevant jeudi, en ne montrant ni sagesse ni humilité, comme cela sied au chef du plus puissant Etat du monde, exposant au contraire sa vraie nature de cow-boy habitué à tirer à vue sans sommation. Bush, le rédempteur, veut corriger les travers de notre monde par la seule faveur du vecteur de la force et de l'écrasement d'autrui. C'est une politique à courte vue qui ne laisse d'autres échappatoires que l'extrémisme absolu. Les Israéliens, qui ont fermé toutes les portes devant les Palestiniens, sont, en fait, les vrais créateurs des kamikazes, et M.Bush travaille, il ne fait pas de doute, à susciter d'autres kamikazes autrement plus dangereux pour la quiétude et la sécurité du monde.