Les islamistes ont évolué sur du velours face à un Exécutif engagé sur plusieurs fronts. A quelques jours de la rentrée scolaire et universitaire, le dossier de la réforme du système éducatif ne fait plus parler de lui. Dès l'annonce par le secrétaire général du ministère de l'éducation nationale de l'absence de mesures allant dans le sens de l'application sur le terrain de certaines recommandations de la Commission nationale de réforme du système éducatif (Cnrse), la pression exercée par les islamo-conservateurs est tombée de plusieurs crans. Est-ce à dire que les islamistes ont remporté la bataille de l'école? Ce serait aller vite en besogne que d'affirmer cela, mais il est permis de trouver une relation de cause à effet entre le tir croisé des islamistes contre la commission Benzaghou et le report de l'application de la réforme tant attendue. La campagne féroce menée par Benmohamed et consorts est intervenue à un moment sensible dans la démarche réformatrice globale du Président de la République. En effet, l'année politique qui vient de s'écouler a été une période charnière dans la démarche présidentielle, de sorte que le gouvernement s'est retrouvé avec plusieurs fers au feu. Le projet de la réconciliation nationale, le programme de relance économique, les réformes économiques, le début d'application des recommandations de la Commission de réforme de la justice et les travaux de la Commission de réforme des structures de l'Etat qui devront bientôt déboucher sur un amendement de la Constitution, sont autant de chantiers qui sont arrivés à un stade déterminant où chaque dossier est sujet à de fortes critiques de la part, non seulement des cercles politiques, mais aussi d'organisations professionnelles à l'image de celui de la justice, contré par les avocats, ou des réformes économiques qui ont essuyé les attaques de l'UGTA. A côté de cet imbroglio politico-économico-social, les événements de Kabylie ont participé à brouiller encore plus le paysage, rendant extrêmement difficile toute lecture politique sereine. Autrement dit, les islamistes ont évolué sur du velours face à un Exécutif engagé sur plusieurs fronts. Le Président de la République avec qui les islamistes divergent sur des questions de fond par rapport à la réforme du système éducatif, semble avoir adopté une approche moins frontale sur le sujet en ramenant le dossier du champ politique à l'espace pédagogique en agrandissant le cercle des intervenants. Cette démarche, relevée par les observateurs, tient dans le fait de la transmission du rapport de la commission Benzaghou aux cadres du ministère de l'éducation nationale. Il est attendu des destinataires des recommandations de la Cnrse des remarques de professionnels, loin de toute lecture partisane ou idéologique du dossier. Cependant, les échos qui parviennent à l'opinion ne sont pas forcément positifs. C'est ainsi, qu'il est des cadres qui, «empoisonnés» par la campagne islamo-conservatrice contre la réforme, déclarent d'emblée leur soutien à l'école fondamentale, sans avoir lu le rapport de l'équipe Benzaghou. Il faut donc s'attendre à un bras de fer au sein de l'institution éducative qui risque de voir les luttes idéologiques s'exacerber en son sein. C'est peut-être à ce prix que l'école sera définitivement débarrassée de la charge politicienne qui lui colle à la peau depuis plus de 20 ans.