«Une guerre inutile est donc aujourd'hui le plus grand attentat qu'un gouvernement puisse commettre.» (Benjamin Constant 1767-1830) Les résultats du premier tour de l'élection présidentielle en Serbie qui ont donné, dimanche dernier l'avantage à l'ultranationaliste Tomislav Nikolic annoncent, clairement, une radicalisation de la crise qui se noue autour de la question de l'avenir du Kosovo qui met aux prises, non pas l'Europe et la Serbie seulement, mais aussi les deux superpuissances militaires mondiales que sont la Russie et les USA. Rappelons que la Première Guerre mondiale a, après bien de scénarios d'alliances et contre-alliances entre les pays européens, éclaté suite à l'assassinat, à Sarajevo par un Serbe, de l'héritier de l'empire austro-hongrois, l'archiduc François Ferdinand. La Serbie de 1914, soutenue, déjà, par la Russie tsariste, faisait face à une coalition européenne sur la question des Balkans, notamment la question du Kosovo. Etrange similitude avec la situation d'aujourd'hui. Si l'ultranationaliste Tomislav Nicolic (39% des voix au premier tour) réussit à garder ses distances contre son rival, le président sortant Boris Tadic (35% des voix) au soir du 2e tour le 3 février prochain, les craintes européennes d'une seconde confrontation violente, voire d'une seconde guerre aux Balkans, n'est pas à écarter. C'est que les mêmes ingrédients qui ont mené, encore une fois, au premier conflit de 1999, sont pratiquement les mêmes, avec cette différence de taille: le retour de la Russie au premier plan comme puissance militaire mondiale. En 1998, le Groupe de contact (UE, Russie, USA, France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie) avait tenté de dénouer la crise d'alors, sans succès. La guerre éclata en 1999, et il avait fallu l'intervention des forces de l'Otan sous commandement américain pour venir à bout des Serbes. La Russie qui se débattait avec ses problèmes internes, ne pesa pas lourd dans le conflit. La donne a changé depuis. La Russie qui soutient sans réserve la Serbie est, depuis, revenue en force. Elle a, par exemple, réussi à repousser le projet américain d'installation de son bouclier antimissile en Pologne et en Tchéquie. Mais pour combien de temps? L'autre donne est la ferme volonté des Kosovares de proclamer, unilatéralement, leur indépendance dans les semaines qui viennent. Ils sont soutenus en cela par la majorité des Etats de l'UE ainsi que par les USA. Le leader du Kosovo, Hashim Thaci, ex-chef de l'armée de libération du Kosovo, l'UCK, a confirmé le soutien de l'UE lors de sa visite de mardi dernier à Bruxelles. La Russie, quant à elle, ne cesse d'avertir sur les conséquences d'une telle option de la communauté internationale: l'indépendance unilatérale du Kosovo. Aussi faut-il craindre le pire si le leader du parti radical serbe (SRS), Nicolic, vient à gagner le 3 février le second tour du scrutin présidentiel. Son rival, l'actuel chef de l'Etat serbe, Boris Tadic, président du parti démocratique (DS) arrivé en 2e position au premier tour, plus modéré sur la question du Kosovo, est pour un dialogue avec l'UE et privilégie la diplomatie à l'affrontement direct avec la communauté internationale. Reste la position du puissant Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, dont les observateurs estiment qu'il pourrait faire basculer l'élection présidentielle dans un sens ou dans l'autre. L'inconvénient est que l'actuel Premier ministre, ex-opposant farouche à l'ancien leader nationaliste, Milosevic (décédé en prison en 2006 à La Haye), est «assis» sur deux chaises en même temps: il souhaite la victoire des démocrates et un rapprochement avec l'UE, d'une part, et ne veut pas abandonner le Kosovo, d'autre part. Autrement dit, il arrange et gêne les deux candidats du 2e tour du scrutin présidentiel. Face à une telle attitude, qui en fin de compte neutralise son poids, le vote du 3 février prête à tous les risques. La guerre comme la paix sur le continent européen sont possibles en ce début de 3e millénaire.