Neuf jours après le scrutin présidentiel, les résultats ne sont toujours pas publiés alors que la Zanu-PF tente de trouver la parade à une situation qu'il ne maîtrise plus. Unique dans les annales du suffrage universel: neuf jours après les élections générales du 29 mars dernier, les résultats de la présidentielle ne sont toujours pas publiés quand ceux sénatoriaux sont livrés au compte-gouttes. Entre-temps, le Mouvement démocratique pour le changement (MDC), le parti de l'opposition de Morgan Tsvangirai, avait remporté les législatives au détriment du parti au pouvoir, de Robert Mugabe, Union nationale africaine du Zimbabwe, Front patriotique (Zanu-Pf). L'autre paradoxe est le fait que la Zanu-PF, au pouvoir, réclame le recomptage des bulletins de vote. Robert Mugabe au pouvoir depuis 1980 - date de l'indépendance de l'ancienne Rhodésie - ne semble pas près - en dépit de son âge avancé (84 ans) - de céder le pouvoir auquel il s'accroche malgré le fait que le Zimbabwe avec une inflation record de plus de 100.000% se dirige droit vers la ruine économique et sociale. Jusqu'à hier, les seuls résultats publiés dans leur totalité par la Commission électorale sont ceux des législatives qui ont consacré le parti de Morgan Tsvangirai, Ce dernier, anticipant sur les résultats de la présidentielle, en réclame le gain, affirmant avoir remporté le scrutin avec 50,3% des voix. De fait, la Zanu-PF et Robert Mugabe qui refusent de reconnaître la défaite du régime, après 28 ans de pouvoir, travaillent à l'organisation d'un second tour affirmant que le président sortant serait crédité de 29% à 31% des voix, ce qui ouvre la voie à un second tour. Mais, autant les chiffres avancés par le candidat de l'opposition, que ceux des tenants du pouvoir ne sont pas confirmés par la Commission électorale qui n'a donné ni indication sur le vainqueur de la présidentielle ni si les résultats ouvraient droit à un second tour. C'est l'opacité totale. Sur fond de bataille juridique entre les deux parties, l'opposition demandant à la Cour d'Etat d'exiger la publication des résultats de la présidentielle, le président du MDC, Morgan Tsvangirai, avait fait une ouverture vers ses adversaires en proposant la constitution d'un gouvernement d'union nationale. Proposition sèchement rejetée par le parti de Robert Mugabe. Le MDC «nous a approchés pour former un gouvernement d'union nationale», a déclaré un haut responsable de la Zanu-PF, Patrick Chinamasa, minitre de la Justice, cité par la presse. «La Zanu-PF a rejeté cette approche et cela a été communiqué au MDC», a indiqué cette source qui ajoute: «Nous ne pouvons pas travailler avec le MDC car nos objectifs politiques et nos aspirations sont aussi différentes que le jour et la nuit (...) Ce serait comme mélanger l'eau et le feu.» La veille, le leader du MDC, revendiquant la victoire à la présidentielle, appelait le président Mugabe à «entamer le dialogue» déclarant devant la presse: «Nous avons gagné l'élection sans qu'un second tour soit nécessaire», ajoutant: «Le président Mugabe et la Zanu-PF devraient l'accepter.» Et M. Tsvangirai d'appeler le président Mugabe «à entamer un dialogue afin de lancer le processus d'une transition pacifique, ordonnée et démocratique». «Je veux dire au président Robert Mugabe: Ayez l'esprit tranquille, le nouveau Zimbabwe garantit votre sécurité», a dit le leader du MDC qui a poursuivi: «De notre côté, nous avons entamé des consultations pour mettre en place un gouvernement d'unité nationale. Notre victoire n'est pas pour le MDC, mais pour un Zimbabwe dont chacun fait partie.» De fait, recentrant son discours, Morgan Tsvangirai s'adressa directement aux forces armées et de sécurité et aux anciens combattants, principaux soutiens au régime de Robert Mugabe, dans une «opération de charme» envers des forces connues comme étant le noyau du régime avec lesquelles il sait qu'il va devoir compter. S'adressant aux anciens combattants, M.Tsvangirai affirme: «Je veux dire aux vétérans de guerre que leurs retraites sont garanties et que nous reconnaissons le rôle qu'ils ont joué pendant la lutte de libération.» Selon des sources politiques et diplomatiques à Harare, le Mouvement démocratique pour le changement a engagé des négociations directes avec les forces de sécurité alliées du régime depuis 28 ans. Reste toutefois le mystère de la non-publication des résultats de la présidentielle et ceux des sénatoriales partiellement divulgués. Concernant le recompte des bulletins, le MDC l'estime «illégal» car il fallait le faire dans les 48 heures, affirmait hier le porte-parole du MDC, Nelson Chamisa, qui a expliqué: «On ne peut demander un nouveau décompte que dans les 48 heures qui suivent le premier et, d'après nous, le comptage a eu lieu dimanche (30 mars) et un nouveau décompte aurait dû être demandé mardi (1er avril).» «Clairement, ils essaient de tripatouiller dans les urnes», conclu-t-il. En fait, la Zanu-PF mène aujourd'hui un combat d'arrière-garde en n'acceptant pas le résultat des urnes alors que le Zimbabwe a plus que jamais besoin d'une autre politique pour le sortir de l'ornière où il est plongé depuis des décennies.