Beaucoup de citoyens rencontrés sur place ont exprimé leur ras-le-bol. Bourgade coincée entre des massifs montagneux et le néant, cette daïra attend toujours son quota d'espoir. Les bains de foule sont-ils l'antidote présidentiel aux émeutes? Tout porte à le croire. Le très chaleureux accueil témoigné par la population de Aïn Azel (52km au sud de Sétif-Ville) au Président Bouteflika, hier, semble participer à cet effort politique visant à contrer les volontés de contestations populaires. Le Président a parcouru une longue distance à pied au milieu du tumulte et des gorges acclamantes. Et la disposition des hommes du protocole présidentiel à recueillir, comme de coutume, les doléances des citoyens, a violemment contrasté avec la brutalité des services de sécurité locaux. Ces derniers ont traîné de force une femme et son enfant handicapé à l'intérieur d'un magasin au passage du Président. En larmes et au bord du désespoir, elle avait tenté d'approcher le Président. «Pour que mon enfant soit soigné à l'étranger», réussit-elle à dire aux journalistes entre deux violentes bousculades musclées. Beaucoup de citoyens rencontrés sur place ont exprimé leur ras-le-bol. «Ce n'est pas vrai que Aïn Azel est une daïra», fulmine l'un d'eux. Taux de chômage élevé, secteur sanitaire presque inexistant et les investissements frisant le néant, autant de conditions qui font de cette daïra de 113.000 habitants l'un des parents pauvres de la wilaya de Sétif. «Aïn Azel a été punie pour avoir massivement voté pour le FIS au début des années 90», avance une source locale, en citant un exemple, celui de la commune de Aïn Abassa dans la wilaya de Skikda. «A Sétif, il y a le Nord et le Sud», explique la députée du RND de Aïn Azel, Nouara Djaâfer, qui nuance ses propos en jetant des fleurs au wali «qui a travaillé pour réaliser un équilibre régional». Le projet d'alimentation en gaz naturel, dont Bouteflika a posé, hier, la première pierre, a été enregistré en 1997 et devait toucher Aïn Azel. Mais ce projet a démarré à Bougaâ, daïra du nord en 2000 et devait attendre Bouteflika, à Aïn Azel, hier. Ce projet devra alimenter en gaz 15.000 foyers dans une première phase avant son extension. Le Président s'est montré impatient d'accélérer les choses en demandant de doubler l'effectif des travailleurs en insistant: «Nous ne sommes pas les otages de Cosider où de qui que ce soit.» La sécheresse frappe durement cette région, et la réalisation d'une pompe à eau sur le site de l'ex-mine de Khezet (noyée en 1996 faisant 19 morts) tarde à voir le jour. Selon des experts, une géante nappe phréatique dort sous cette région. Il aura fallu attendre 30 ans à Aïn Azel pour accueillir un Président (Boumediene est passé par là en 1972), combien de temps devra-t-elle patienter pour cette pompe à eau? Avant de quitter Sétif pour regagner Alger, Bouteflika a bifurqué du côté du mausolée de Sidi El-Kheyar, saint-patron de Sétif et de l'Entente. Le Président, le chef de la 5e Région militaire général-major Saïd Bey et les ministres ont lu la Fatiha avant d'écouter la prière du cheikh du mausolée.