Un nouveau palier dans la violence a été franchi au Liban lors de manifestations ensanglantées dimanche soir à Beyrouth. Sept personnes ont été tuées par balles dimanche dernier, dont des partisans des mouvements chiites de l'opposition proche de Damas, Hezbollah et Amal, et 40 blessées dans de violentes manifestations survenues dans plusieurs quartiers à dominante chiite de Beyrouth. Celles-ci se sont étendues par la suite dans plusieurs régions du Liban faisant craindre un réveil des démons qui ont mené le Liban à la guerre civile en 1975. De fait, tous les ingrédients semblent aujourd'hui mis en place pour accréditer ce scénario catastrophe. Dans ce contexte, et dans l'objectif de prévenir de nouvelles explosions de violences, l'armée libanaise s'est déployée en force hier dans plusieurs quartiers de la capitale où les émeutes ont éclaté. Des soldats ont érigé, par ailleurs, des barrages sur plusieurs routes menant des quartiers chiites de la banlieue sud aux régions chrétiennes de la capitale. Beyrouth présentait hier un visage «guerrier» qui n'augurait rien de bon. D'autant plus que, lors des émeutes de dimanche, des manifestants ont ouvert le feu sur des soldats qui avait tiré en l'air pour disperser la foule. La question que se posaient hier les médias beyrouthins est: qui a tiré et pourquoi? Qui sont ces hommes armés qui ont ouvert le feu sur les soldats? D'où viennent-ils? Que projetaient-ils? Des questions auxquelles il est mal aisé, dans les conditions actuelles, de répondre d'autant qu'il s'agit sans aucun doute d'une provocation pour allumer le feu entre les communautés libanaises, réitérant de la sorte la situation qui a prévalu en 1975, ouvrant la voie à la guerre civile qui dura quinze années. Lors de ces tirs, dont l'origine est restée indéterminée, au moins une personne avait été tuée selon les télévisions libanaises qui donnaient l'information dimanche soir. Toutefois, la chaîne Akhbar al-Moustaqbal affirme avoir identifié la victime comme étant Ali Hassan Hamza, 35 ans, un responsable du mouvement chiite Amal, l'un des piliers de l'opposition, soutenue par Damas et Téhéran. La presse beyrouthine ne cachait pas, hier, ses craintes que résumait L'Orient Le Jour qui titrait en «Une» «Les démons de la discorde tentent de rallumer les feux de la guerre civile». Lui faisant écho, le quotidien Al-Moustakbal, proche de la majorité soutenue par l'Occident, affichait pour sa part «Dimanche noir» sur sa «Une». De son côté, le journal Ad-Diyar, proche de l'opposition, indique que les «affrontements (...) nous ont ramenés aux pires heures de la guerre civile». Les médias représentant les deux camps tirent ainsi la sonnette d'alarme sans que pour autant ne soit tirées les leçons d'une année de crise et de blocage politique. Ainsi, opposition et majorité se sont accusées mutuellement; le Hezbollah, qui mène depuis une année le bras de fer engagé avec l'Exécutif de Fouad Siniora sur le partage du pouvoir, a mis en cause le gouvernement: «Nous appelons l'armée à expliquer clairement qui se tient derrière la mort de ces personnes innocentes», a indiqué le parti chiite. «Ces victimes sont-elles tombées sous les balles des soldats? Et si c'est le cas, qui a donné à l'armée l'ordre de tirer?». Pour sa part, la majorité a accusé l'opposition d'utiliser les manifestations à des fins politiques. Mais cela ne résout en rien la grave crise politique dans laquelle est plongé le pays du Cèdre depuis novembre 2006, qui se trouve sans président depuis deux mois, le mandat du président sortant, Emile Lahoud, étant arrivé à échéance le 24 novembre dernier. Parallèlement à la crise politique, le Liban est également la proie d'attentats meurtriers, dont le dernier en date a été commis vendredi dernier et avait coûté la vie à un haut officier de l'armée. Au plan politique, les médiations arabes et européennes se sont avérées vaines, les deux parties restant scotchées sur leurs positions mettant en stand-by l'élection d'un nouveau président. Dans une ultime (?) tentative, les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis au Caire, ont appelé dimanche dernier la majorité et l'opposition à élire un président le 11 février, lors de la 14e séance du Parlement, prévue à cet effet. Seraient-ils entendus par les acteurs de la crise libanaise, d'autant plus qu'après les évènements de dimanche il est devenu urgent pour les Libanais de trouver une solution à la vacance présidentielle et au partage du pouvoir, pour sortir de l'ornière dans laquelle ils se sont engagés menaçant de rééditer les erreurs qui ont mené, il y a 23 ans, à la guerre civile.