Sans président depuis le départ d'Emile Lahoud le 24 novembre dernier et coincé entre les pro et les anti-Syriens, le Liban risque de plonger définitivement dans la violence si cette crise perdure. Bien que les violences, qui ont éclaté lorsque les manifestants protestant contre les coupures d'électricité ont bloqué des routes dans le quartier chiite de Chiyah, n'aient aucun lien avec la crise politique qui secoue le pays, le Liban demeure toujours au bord du précipice. Sept personnes ont été tuées, dont des partisans des mouvements chiite de l'opposition, Hezbollah et Amal, et 40 autres blessées dans ces incidents qui ont touché plusieurs quartiers à dominante chiite de la capitale libanaise. Les manifestations se sont étendues à plusieurs régions du Liban, faisant craindre le pire. En outre, la série d'attentats meurtriers visant principalement des personnalités antisyriennes démontre en effet que le spectre de la guerre civile est loin d'être totalement écarté. D'ailleurs, hier, l'armée libanaise s'est déployée en force à Beyrouth au lendemain des manifestations de rue ayant fait sept morts et des dizaines de blessés, et la presse locale redoute qu'elles ne soient le prélude d'une nouvelle guerre civile. À cela il faut bien sûr ajouter la crise politique paralysant toutes les institutions depuis plus d'un an après la démission de tous les ministres de l'opposition et la vacance de la magistrature suprême depuis le 24 novembre, après le départ du président sortant, Emile Lahoud. Devant cette situation, la Ligue arabe est revenue à la charge dimanche soir avec l'appel des ministres des Affaires étrangères. Réunis au Caire, ces derniers ont appelé la majorité et l'opposition au Liban à élire le général Michel Sleiman président, le 11 février, lors de la 14e séance du Parlement prévue à cet effet. Selon le communiqué rendu public, les chefs de la diplomatie arabe ont demandé à “toutes les parties prenantes à répondre positivement aux efforts du secrétaire général de la Ligue arabe pour régler la crise (...) Et à élire le président consensuel, le général Michel Sleimane, le 11 février”. Ils ont également exhorté majorité et opposition à mener “des consultations pour parvenir à un accord sur la formation d'un gouvernement d'union nationale et commencer à travailler pour l'élaboration d'une nouvelle loi électorale dès la formation du gouvernement”, ajoute le texte. Pour rappel, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, s'était rendu à Beyrouth pour y recueillir l'accord des différentes parties sur ce plan, mais sa mission s'était soldée par un échec en raison de l'obstination des uns et des autres. Son plan en trois étapes pour aider le Liban à sortir de l'impasse, prévoyant une fois le président élu, la formation d'un gouvernement d'union nationale et la mise au point d'une nouvelle loi électorale, avait été adopté en janvier par la Ligue arabe. Devant cet échec, Amr Moussa avait “mis en garde contre le fait que le Liban glisse vers le gouffre en raison de l'échec à parvenir à un compromis” sur l'élection présidentielle. Il est urgent que les responsables politiques libanais revoient leur copie, sous peine de voir les vieux démons ressurgir et plonger le pays dans un cycle de violence, dont il sera difficile d'en sortir. L'histoire récente du Liban est encore fraîche dans les mémoires et devrait dissuader ceux qui prennent le risque de bloquer la situation sans penser aux graves conséquences qui en découleraient. K. ABDELKAMEL