Deux ans auparavant, il avait publiquement soutenu que le Sénat a perdu sa raison d'exister. Au coeur du brouillard qui couvre le projet portant révision de la Constitution, le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, vient d'en rajouter une couche qui plonge davantage les observateurs dans la confusion. Hier, ce dernier a assuré que «le Conseil de la nation sera maintenu et gardera le même statut dans la prochaine Constitution». Mieux, il a défendu que «cette chambre fait désormais partie des traditions politiques et institutionnelles du pays». Belkhadem a fait cette déclaration, en marge de la clôture de la session parlementaire, le sourire aux lèvres, reflétant l'image d'un homme convaincu. Etrange revirement: il y a tout juste deux ans, cette même personnalité affichait le même air convaincu en défendant sur les ondes de la Radio nationale que «le Sénat n'a plus sa place dans l'échiquier politique algérien». Pour lui, «le moment est venu de supprimer une chambre qui a été créée pour une mission bien déterminée durant une période politique délicate». Faisant allusion à la menace du courant islamiste. Maintenant que cette tendance politique est affaiblie, la chambre haute perd sa raison d'exister. Une réflexion qui a inspiré les rédacteurs FLNistes de l'une des moutures portant révision de la Constitution. Qu'est-ce qui motive ce revirement dans les positions du FLN? Belkhadem esquive la question. Pour comprendre ce décalage entre les positions des uns et des autres, un flash-back s'impose. Le président du Sénat, deuxième homme de l'Etat, et cadre influent au sein du Rassemblement national démocratique (RND), était parmi les premières personnalités politiques officielles à annoncer son soutien pour un troisième mandat au président. Sans équivoque et sans détour. Et ce, au moment où son parti, le RND, entretenait le doute sur sa position. «Après tous les progrès réalisés par le pays sur le plan socioéconomique, après le rétablissement de la paix longtemps espéré par les Algériens, a-t-on le droit d'opter pour un choix autre que celui que nous avons fait huit ans auparavant?», avait soutenu Abdelkader Bensalah, au mois de novembre dernier, lors d'une séance plénière. L'Algérie doit, selon lui, poursuivre son processus de développement et son vaste chantier de réformes. Et avant tout, rendre hommage à celui qui est derrière ces défis. Celui qui, il y a huit ans, a su préserver l'Algérie des dangers qui la guettaient. Ce ne sera pas la première fois que le président du Sénat exprime cette opinion accompagnée souvent d'un tonnerre d'applaudissements en signe d'adhésion de la chambre haute à ce choix. Hier encore, il a réaffirmé que «la révision de la Constitution est une exigence imposée par la réalité et à laquelle adhèrent de larges catégories de la société». Dans une allocution prononcée à l'occasion de la clôture de la session d'automne 2007 du Conseil de la nation, M.Bensalah a indiqué que cette démarche n'est plus la revendication exclusive d'une classe politique donnée, ni d'une catégorie ou d'un groupe déterminé de la société. Attestant que cette «importante exigence doit être sérieusement prise en considération dans l'intérêt du pays et de la nation». Y a-t-il eu un accord tacite qui conditionne l'existence du Sénat par un soutien à un troisième mandat pour Bouteflika? Apparemment rassuré sur le sort qui sera réservé à son institution, le président du Sénat s'est largement étalé sur le bilan de son institution. «Il est vrai que la première chambre est née dans conjoncture politique décisive pour le pays, mais il ne faut pas perdre de vue qu'elle a été créée aussi dans le cadre d'une perspective ambitieuse visant à renforcer la démocratie et le débat d'idées», a-t-il soutenu. Avant d'ajouter que le «Sénat a donné plus de crédibilité et de rigueur aux lois adoptées». Les sénateurs, a ajouté notre interlocuteur, ont bien saisi l'importance du rôle qui leur été attribué: celui «de ne bloquer aucune loi.» «Nous l'avons fait pour l'intérêt du pays», a-t-il tenu à préciser. Par ailleurs, M.Abdelkader Ziari, président de l'APN, a affirmé que la révision de la Constitution devra consacrer la volonté du peuple dans le choix de ses représentants sans limitation de mandats électoraux, précisant que cette limitation était parmi les conditions imposées de l'extérieur à certains pays africains durant les années 1990, prétextant le principe de l'alternance au pouvoir. «Cela s'inscrit en contradiction avec le principe de la démocratie et s'oppose à la volonté des peuples et à leur souveraineté de choisir, en toute liberté, leurs représentants», a-t-il observé.