Le feuilleton des dissensions au sein du parti du FLN semble ne point trouver son épilogue. D'une crispation à une autre, d'une intrigue à l'autre, le plus vieux parti du pays charrie comme un moulin les vents de la discorde. Abdelaziz Belkhadem dirige un navire où l'équipage semble partagé non pas sur la direction à prendre, mais sur qui tiendra les commandes. Etant intimement lié au système, le FLN ne peut échapper aux secousses et autres changements opérés au sein même de ce système. La dernière secousse en date, celle du changement opéré sur l'équipe gouvernementale et à travers lequel le FLN a perdu les services du chef du gouvernement, n'a pas tardé à trouver une réplique du côté du siège du parti à Hydra. Les avis sont partagés au sein de l'ex-parti unique, dont certains membres qualifient ce changement de franc désaveu de Belkhadem, alors que les alliés de ce dernier parlent plutôt de victoire politique puisque leur secrétaire général est maintenu au sein du gouvernement et que le projet de révision constitutionnelle longtemps prêché par le FLN n'est plus aujourd'hui qu'une question de temps. Le siège du FLN n'a jamais été aussi perméable aux visiteurs. Normal, diront certains. La direction a déserté les lieux depuis que le SG est parti en pèlerinage. Le changement de gouvernement a obligé les FLNistes à reconsidérer leurs affaires internes. Ils s'attendent à des répercussions au sein du parti et appréhendent, avec mesure pour certains et avec acharnement pour d'autres, le rendez-vous du congrès extraordinaire devant « sceller le sort » de Belkhadem. Un rendez-vous longtemps retardé, car lié aux prétentions présidentielles de Bouteflika. L'élection hier des instances du parti au niveau du Parlement a été l'expression de cette guéguerre entre « frères » FLN. Abderrahmane Si Affif, qui n'a pas été élu, parle de « sanction politique » opérée contre lui par « la tendance véhiculée par Abada ». Si Affif est formel : « Ils continuent de véhiculer leurs idées, surtout après le remplacement de notre secrétaire général par Ouyahia à la tête du gouvernement. Je crains qu'avec ces personnes qui continuent d'alimenter des idées de division, le parti n'ait aucune chance de se redresser. » Le même député FLN estime que le problème ne réside pas dans le choix d'Ouyahia de remplacer Belkhadem, « mais dans la réaction de certaines personnes à l'intérieur du FLN qui ont applaudi ce remplacement ». Si Abada a refusé de commenter les propos de Si Affif, le porte-parole du parti, Saïd Bouhadja a estimé qu'il n'y a pas de remous au FLN et que ces voix qui s'agitent contre la direction n'ont aucune incidence sur la réalité. « Nous pensons que le départ de Belkhadem de la tête du gouvernement renforce davantage le parti, puisqu'il est ministre d'Etat et représentant du chef de l'Etat. Et, de plus, la politique que nous avons menée depuis deux ans pour la révision de la Constitution vient d'être largement soutenue par les autres membres de l'alliance. C'est donc une victoire politique pour le FLN », explique Bouhadja, tout en notant que cette nouvelle situation permet à Belkhadem d'être plus présent au sein du parti. D'autres voix, en revanche, préfèrent ne s'arrimer ni dans l'une ou l'autre position. « Le conseil national est une malformation congénitale » En gardien du temple FLN, Abderrahmane Belayat accepte de nous livrer sa vision de la situation actuelle du parti, tout en refusant « d'ajouter un point de vue qui pourrait accentuer les divergences » au sein du parti, en justifiant de son souci premier de préserver « l'unité et l'intérêt du FLN ». M. Belayat estime que si « les prétentions personnelles des uns et des autres sont mises de côté, tout le monde se retrouverait ». Interrogé sur l'incidence du changement opéré à la tête du gouvernement sur le parti, notre interlocuteur estime qu'aucune incidence n'est à enregistrer, car, dit-il, « Belkhadem est en concordance avec le président de la République ; c'est d'ailleurs lui qui a claironné la révision de la Constitution ». Belayat fera remarquer que, durant ses deux mandats présidentiels, Bouteflika a eu une succession de chefs du gouvernement qui ont tous accepté d'appliquer son projet et que Belkhadem a tenu à souligner qu'il n'était que coordinateur du gouvernement. « ce qui est contraire à l'esprit de la Constitution. C'est le projet du Président qui est appliqué et aucun chef du gouvernement n'a négocié l'application de son propre projet ; il n'y a donc pas de concurrence sur ce plan », indique notre interlocuteur. Le non-respect de la Constitution s'est aussi traduit par la non-présentation du bilan du gouvernement devant le Parlement par les chefs successifs de l'Exécutif. Le dysfonctionnement est patent et tous les membres de l'alliance s'en accommodent. Belayat a tenu également à souligner que le FLN n'a pas été désavoué par ce changement de gouvernement. « s'il y a divergence, c'est au niveau personnel », lâche l'homme politique, notant toutefois que si divergence de ce type il y a, il n'en connaît pas la teneur. Interrogé sur ces courants et tendances qui divisent le parti, Belayat, qui réfute l'existence de courants internes, souligne que « une ou dix personnes ne peuvent pas constituer un courant, même si l'image du FLN a souvent été chahutée par certains agitateurs ». Notre interlocuteur estime que s'il y a divergence au sein du parti, elle est d'ordre organique et constitue le résultat de l'adoption de nouvelles dénominations pour les instances du parti. Belayat qualifie de « malformation congénitale » le remplacement du comité central par le conseil national. « On doit revenir au comité central qui était compact et homogène dans sa composition au lieu de cet ensemble de conseil national, constitué de 550 personnes et qu'on ne peut gérer et dont un tiers des membres ne remplit pas les conditions pour faire partie des instances dirigeantes du parti, et c'est exactement cela qui nous fait perdre du temps. C'est ce que j'avais souligné lors du congrès de 2005 », explique l'homme politique en notant que le congrès extraordinaire doit rectifier cette malformation congénitale pour mettre fin au désordre. La tenue de ce congrès est toutefois suspendue à l'adoption par le Parlement de la révision de la Constitution.