Le linge sale se lave en famille sur des chaînes satellitaires arabes. Aux empoignades verbales sur les plateaux d'Al Jazeera et d'El Arabiya, vient de s'ajouter, depuis peu, sur une petite télé appartenant à un flibustier tunisien, à la réputation sulfureuse, une émission diffusée on live, en soirée, consacrée à l'Algérie. De niveau artisanal, cette chaîne, qui survit grâce à des subsides de provenance douteuse, met à nu, quotidiennement à 21 heures, le système algérien sur la base d'un débat où les faux spécialistes rivalisent avec les traditionnelles figures que les Algériens répugnent à voir. Al Moustaquilla TV est parvenue à accroître son audience en Algérie grâce à ce subterfuge que lui a inspiré le JT de 23h que consacre Al Jazeera à l'actualité maghrébine. Tous les aigris et les laissés-pour-compte de la politique se défoulent, chaque soir le narguilé à la bouche, sur la «tyrannie du système politique algérien». Qui de France, qui d'Angleterre, qui d'Alger, se lancent dans un vrai déchaînement d'outrances verbales à faire souffrir notre vieux patriotisme convalescent. Il y a d'un côté, les irréductibles opposants qui viennent vomir toute leur haine contre ce «régime impie et corrompu», et de l'autre, le clan des courtisans avec ses crapules avérées qui piaffent d'impatience de recueillir les dividendes d'«un magistral coup de brosse» donné à l'orée de la révision de la Constitution. Il y a de tout chez le camelot. Tous ces excès médiatiques trouvent leur raison d'être dans la mauvaise gestion de nos médias publics, à commencer par l'Entv et l'Enrs. Ce n'est certainement pas la faute à Hamraoui Habib Chawki, ni à Azzedine Mihoubi si l'indigence des émissions politiques, produites par ces deux médias, provoque chez l'Algérien l'instinct immédiat du zapping. Les meilleurs sujets pour de fabuleux talk-shows sont carrément évacués de la grille de notre télé. Que ce soit dans le fond ou dans la forme, ces émissions politiques donnent de la migraine aux Algériens après seulement cinq minutes d'écoute. La langue de bois, la médiocrité, voire parfois le narcissisme des intervenants portent l'ADN de ceux qui les conçoivent et qui les produisent. C'est du «valium» politique. Et pourtant, je suis persuadé que si l'on lâchait un peu la bride aux patrons de la télé et de la radio, l'Etat, la République gagneraient en crédibilité, et nos concitoyens se passeront de cette gêne de voir des Algériens s'étriper sur des chaînes étrangères. L'honneur national en serait quitte. Les Algériens ont-ils peur, à ce point, de parler de politique sur leurs propres médias nationaux? Certainement. Et puis, il faut d'abord qu'on les y invite à débattre de sujets sérieux. Sur la révision prochaine de la Constitution, qu'attend donc l'Entv pour s'ouvrir à l'élite et organiser des débats contradictoires? Sommes-nous capables d'apporter un éclairage et une vision correcte sur la nécessité d'accepter ou non une révision de la loi fondamentale en 2008, sans pour autant diaboliser les personnalités qui veulent en débattre? La question mérite d'être posée. Nous ne vivons plus sous une dictature. Cette Constitution que nous allons réviser, garantit et garantira toujours la liberté d'expression. Le fait d'évacuer ce sujet du débat national comporte en lui-même tous les germes d'une dictature larvée. Mais, qui veut donc museler les Algériens? Le président Bouteflika? Fadaises... Ce n'est pas sans une certaine insolence que des opposants, coincés par un irrépressible acharnement à changer le monde, ont cette fâcheuse manie de prendre le Président dans leur ligne de mire. Par incivilité, et parce que les partis qu'ils dirigent connaissent aujourd'hui une véritable dégénérescence, ils accusent les tenants du pouvoir actuel de les entraîner dans des chausse-trappes imaginaires et de leur infliger des coups fourrés. Il se développe un climat délétère, de haine et d'intolérance. Il y a de tout dans le discours des partisans et des opposants à la révision de la Constitution. C'est ce qui explique aujourd'hui cette vision étriquée, superficielle et primaire d'une partie de la classe politique quant aux véritables enjeux de la nation déjà sérieusement en butte à la recrudescence de la violence. La Constitution accorde au président de la République le droit, tout le droit, de réviser la loi fondamentale. Pourquoi, dès lors, s'en offusquer et crier au loup en l'accusant de vouloir rester président à vie? Dès son arrivée au pouvoir en 1999, Bouteflika avait clairement laissé entendre que cette Constitution ne l'arrangeait pas. Il veut un pouvoir présidentiel et il ne s'en cache pas. La France de Sarkozy, de vieille tradition démocratique, va aussi réviser sa Constitution après le lifting sur la durée du mandat présidentiel. Et on le sait depuis l'intronisation de Sarkozy, en juin dernier, le Premier ministre, M.Fillon, est réduit au rôle de factotum de service. Le pouvoir, le vrai, est pensé, géré à partir de l'Elysée par Sarkozy et ses conseillers. Mais ce n'est pas pour autant que la France est devenue une République bananière ployant sous le pouvoir personnel... Faute de convaincre, les adversaires du projet avancent l'argument selon lequel le principe de l'alternance démocratique a été transgressé. On le sait, quand la vérité est laide, il vaut mieux faire un beau mensonge. Laissons donc le peuple choisir. Il y aura bien un référendum. Bouteflika n'acceptera jamais de se contenter du vote des deux chambres. Il veut une légitimité. Un plébiscite. Dans les débats des télés arabes, cette approche est totalement absente. Pour ne pas biaiser l'importance de cet enjeu politique, il faudrait bien repenser la conception de faire de l'info à l'Entv. Il y va de la crédibilité de l'institution présidentielle. Nous ne voulons ni de la tyrannie médiatique des chaînes arabes, ni du journalistiquement correct de l'Unique. L'heure est venue de changer l'ordre des choses, car faut-il le rappeler, l'opinion ne suit pas toujours les médias. Et jusqu'à quand continuerons-nous de débattre de notre propre avenir sur les plateaux des chaînes étrangères?