Certains magistrats estiment que l'ordre de démolir est une question technique qui relève de l'autorité exécutive. La démolition des constructions illicites est un sujet qui défraie la chronique, d'une part, mais aussi un des points nodaux sur lesquels les avis des magistrats divergent, d'autre part. Cette problématique a été l'un des thèmes importants abordés par les spécialistes, hier, au cercle militaire de Beni Messous, lors d'un colloque international intitulé «Le contentieux de l'urbanisme». Répondant à une question en marge de cette rencontre à laquelle ont pris part des experts étrangers, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a déclaré que «les réformes engagées dans le secteur de la justice contribueront efficacement à la résolution de nombreux problèmes qui freinaient l'investissement dans le domaine de l'urbanisme». Explicite, le conférencier a souligné que le règlement rapide des contentieux donnera un nouveau souffle au marché de l'immobilier et permettra la préservation des édifices. D'une importance capitale, le colloque se veut une occasion de «réfléchir sur les réformes à engager pour améliorer et promouvoir l'urbanisme en Algérie», ajoute le ministre. Le juge administratif a-t-il le pouvoir d'ordonner au premier magistrat de la commune la démolition d'une construction illicite? «Certains magistrats ne se gênent pas pour le faire. D'autres estiment que c'est une question technique qui relève de l'autorité exécutive.» C'est ainsi que la présidente du Conseil d'Etat résume la situation. La prolifération des constructions illicites est un phénomène qui prend de l'ampleur. Les chiffres donnent le vertige. Pas moins de 50.000 habitations ont été bâties sans permis de construire à Alger, avait déclaré, la semaine dernière, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Nourredine Moussa. Ce dernier, en dépit des interrogations des journalistes présents, n'a soufflé mot hier. A cet effet, et pour mettre fin à cette anarchie, la loi accorde le droit de démolir tout le bâti qui n'est pas mentionné sur le permis de construire, à l'APC. Cependant, les responsables de l'Assemblée populaire communale font la sourde oreille. Certains dossiers, s'accordent à dire de nombreux magistrats, sont gelés depuis 4 à 5 ans au niveau de ces mairies. «Les présidents des APC font toujours recours au juge aux fins que ce dernier ordonne la démolition», précise la présidente en marge de cette rencontre internationale. L'administration est la seule habilitée à délivrer l'acte de démolition et de prendre ses responsabilités. C'est l'idée développée, à l'unisson, par l'ensemble des magistrats. Quelle procédure la mairie doit-elle suivre pour que l'acte de démolition soit appliqué? Se référant au décret 97/04 ayant valeur de loi, M.Abdellah Slaïm, président de la 3e chambre au niveau du Conseil d'Etat, s'est montré précis dans sa réponse. L'acte de démolition est précédé par deux étapes que sont le procès-verbal de constat et la mise en demeure. Cette hiérarchie a été, auparavant, rejetée par l'ensemble des APC. La réforme de la justice a apporté certains changements, concernant la responsabilité des magistrats. La nouvelle loi de 2004 a porté ses fruits. Le juge peut, ainsi, faire injonction à l'administration. Dans ce cas, «l'APC se trouve dans l'obligation de démolir sur ordre du juge», précise notre vis-à-vis. En cas de défaillance de cette assemblée, la tâche revient au wali. Se basant sur la loi 04/05, les magistrats affirment ne pas disposer du droit de supplémenter l'APC. «Le juge administratif n'a aucune compétence», enchaîne M.Slaïm. Et de préciser qu'«on ne peut pas nous déléguer un pouvoir». Une autre question qui s'impose a trait aux constructions bâties mais non-conformes au permis de construire. Devant cette situation, le responsable interrogé a été clair, net et précis. «Le juge pénal ordonne la mise en conformité», a-t-il conclu. Et de révéler que plus de 1400 affaires de contentieux de l'urbanisme ont été jugées par le Conseil d'Etat entre 1998 et 2007, dont 442 uniquement durant l'année 2007.