Nous sommes loin du rôle d'éducateur attribué au dirigeant sportif et qu'il doit assumer en toutes circonstances. Vendredi dernier, le match CS Constantine-RC Kouba comptant pour la 23e journée du championnat de la division 2 de football a été émaillé de nombreux incidents qui ont obligé l'arbitre à l'arrêter plusieurs fois. La veille, la confrontation US Chaouia- USM Aïn Beïda, du groupe Est du championnat interrégions, a été marquée par une bataille rangée entre supporters des deux camps, au cours de laquelle on a dénombré 35 blessés dont 4 dans un état sérieux. Il y a quelques semaines de cela, le 14 janvier précisément, un jeune supporter de l'USM Blida, Djilali Melaïka, a été agressé à la sortie du stade du 5 Juillet, où il venait d'assister à un match opposant son équipe à celle du MCA. Victime d'un coup de couteau de la part d'un de ses agresseurs, il est mort au cours de son évacuation vers l'hôpital. Au fil des semaines, le football continue à «abreuver» de ses sinistres informations les colonnes des journaux comme pour prouver qu'il est parti pour un long bail avec la violence. Ce qui s'est passé à Constantine, Oum El Bouaghi ou au stade du 5-Juillet n'est rien de moins que la résultante d'un processus extérieur au sport puisqu'il trouve ses origines dans le ras-le-bol d'une jeunesse qui n'arrive plus à trouver ses repères. La violence quotidienne dont on rapporte les actes dans toutes les villes et bourgades d'Algérie, sous forme d'agressions multiples, n'est, tout de même, pas le fait du sport mais bien la conséquence de conditions sociales dont la marginalisation d'un grand pan de la population du pays. Le stade se transforme, alors, en exutoire d'un trop plein de dégoût dont la jeunesse se trouve la victime toute désignée. Il y a, cependant, matière à disserter sur cette violence dans et autour des stades, dans la mesure où, parmi les palliatifs qu'il convient de mettre en oeuvre pour l'endiguer, le rôle du dirigeant sportif tient une place éminemment importante. Dans ce domaine, il est malheureux de constater que la dérive est grandement entamée par la guerre que se mènent certains présidents de clubs, par presse interposée, notamment celle que l'on dit spécialisée dans le sport. L'article 9 du décret exécutif n°05-502 fixant le statut des dirigeants «sportifs bénévoles élus» indique en son premier alinéa qu'un tel dirigeant est tenu de «contribuer à l'éducation et à la formation des jeunes conformément aux principes de l'éthique sportive, du fair-play et de la citoyenneté.» Le second alinéa fait référence à «l'observation des obligations de réserve auxquelles il est soumis». Un peu plus loin, il est fait mention d'une «mise en oeuvre de sa part (du dirigeant) dans un esprit d'équité et de solidarité». Il est, également, stipulé que ce dirigeant sportif élu «doit participer à la lutte contre le dopage et contre la violence», puis «d'observer les règles de l'éthique sportive et faire preuve de fair-play.» L'article en question fait, enfin, mention d'un dirigeant sportif élu qui «s'interdit tout acte indigne, incompatible ou contraire à l'éthique sportive ou de nature à nuire aux intérêts de sa structure et de ses adhérents». La guerre, dont nous parlions plus haut, fait fi de toutes les dispositions que nous venons d'énumérer. Comment, en effet, rester de marbre lorsque la presse rapporte certaines déclarations du président de l'USM Annaba, Aïssa Menadi, dans lesquelles il dit que «la JS Kabylie bénéficie de l'aide du président de la ligue nationale, Ali Malek parce que celui ci est un Kabyle»? Comment se taire lorsque ce même président annonce qu'il va «mettre son argent pour aider l'ES Sétif à remporter le titre de champion d'Algérie»? Comment négliger le fait que le président de l'Entente de Sétif, Hakim Serrar, affirme dans une déclaration à la presse «J'ai aidé la JSK à remporter deux titres de champions d'Algérie»? Ce ne sont pas là des paroles émises par des gamins mais par des personnes adultes, majeures et parfaitement conscientes de ce qu'elles disent. Deux de ces fameux «dirigeants sportifs bénévoles» de surcroît «élus» qui, théoriquement, sont tenus au respect des instructions du décret exécutif n°05-502, jettent ainsi de l'huile sur le feu. Le drame est qu'il n'y a eu qu'une vague mise en garde de la part du président de la FAF qui n'a même pas été prise en compte puisque le président de l'USM Annaba en a rajouté une couche chez notre confrère Echourouk dont il était l'invité à son Forum la semaine dernière. Ce président est d'autant plus tenu à une obligation de réserve qu'il est un élu du peuple puisqu'il siège en tant que député (indépendant) à l'Assemblée nationale et qui aurait dû donner l'exemple. L'immunité parlementaire dont il jouit l'autoriserait-elle à dériver vers des chemins tortueux où il est question de rejet de l'équité sportive puisqu'il se dit prêt à aider l'Entente de Sétif? Ce que condamnent tant les textes sportifs nationaux que ceux de la Fifa. Cela nous amène à nous poser des questions sur la léthargie de la FAF devant l'aveu de Hakim Serrar qui dit avoir «aidé la JSK à remporter deux titres de champion d'Algérie»? Ailleurs que chez nous, il est certain que l'appareil judiciaire aurait été mis en branle pour qu'une enquête soit diligentée aux fins de connaître les tenants et les aboutissants d'une affaire qui suppose qu'il y a eu «magouille». Cependant, au-delà des considérations d'ordre sportif que recèlent de telles déclarations, n'y a-t-il pas un risque de les voir véhiculer la haine d'autrui? Qu'on le veuille ou non, un président de club est une personnalité publique dont le rôle est de donner l'exemple en matière de sportivité. La manière dont certains journaux rapportent les dires de président de club pourrait susciter chez une jeunesse en mal de repères une réaction contraire aux principes de la sportivité. Ce n'est pas en se chamaillant de la sorte, par presse interposée, qu'ils vont contribuer à ramener un peu plus de sérénité dans un sport victime de son environnement. Quant à la FAF et aux pouvoirs publics, ils sont interpellés pour assumer leur rôle et responsabilités qui consistent à faire en sorte que le dirigeant sportif soit avant tout un éducateur.