«Pour mieux cerner l'apport de la poésie de Matoub au renouvellement de la poésie kabyle, des études plus longues, plus détaillées doivent être faites». Anazbay, le résistant, de Mohamed Gaya, qui est sur le marché, est un livre-hommage à feu Matoub Lounès, le chanteur et figure de proue de la revendication identitaire, assassiné le 25 juin 1998. Gaya, qui est un jeune auteur en tamazight, est né en 1974, appartient aux rangs du MCB qu'il intègre dès la fin des années 80, comme il est membre fondateur du comité RAJ de Tizi Ouzou. Le diplôme de formateur en langue et culture amazighes en poche, Gaya commence par enseigner tamazight dans sa région natale. Dès septembre, il préside aux destinées de la section Idlès de Beni Douala avant d'intégrer la Ligue des droits de l'homme. En 2000, il est président du comité local de Beni Douala de la fondation Matoub Lounès et membre du conseil d'administration. Dès 2002, il sera élu vice-président de l'Association culturelle du village Tighzert. Maîtrisant tamazight, il est l'auteur de Amenugh N Tidet, paru en mai 2000. Avec Anazbay, Gaya essaie d'allier la rigueur du travail intellectuel à celle du militant, en rendant hommage à celui qui est le phare de la jeunesse, notamment kabyle, Matoub Lounès. Gaya a choisi de présenter son oeuvre en la divisant en plusieurs chapitres, la rendant ainsi plus aisée à lire. De fait, et après le prologue, c'est la vie de Matoub, puis le déclenchement de la révolution de Novembre, suivi de l'affaire de septembre 1963 et tout de suite, Gaya entre dans le vif du sujet avec «ussan is imenza di ccna». La rencontre de Matoub avec les géants de la chanson kabyle comme Slimane Azem, Idir et autres, aboutit au Printemps berbère d'avril 1980 et Gaya explique, également, Octobre 1988 en Kabylie et la position de Lounès Matoub qui sera le premier blessé par balles, ce qui le forcera à garder le lit durant des mois. Par la suite, c'est le déferlement de la violence sur le pays avec l'avènement de feu Mohamed Boudiaf, et quelque temps plus tard, l'enlèvement du chanteur par les terroristes. Le Dr Saïd Chemakh, spécialiste du domaine amazigh, devait d'ailleurs apporter un regard sur la poésie de Matoub Lounès. Le Dr Chemakh souligne que «la poésie de Matoub est, en somme, la chronique du temps telle celles de Yusef U Qasi de Smail Azikyu et tant d'autres». Avec Matoub, on peut «relire l'histoire du pays depuis la guerre d'indépendance rien qu'en écoutant la poésie se dérouler», précise le Dr Saïd Chemakh. Les autres thèmes sont aussi décrits avec cette facilité dans la langue qui est choisie par l'auteur pour être accessible à l'ensemble des lecteurs. Cependant, et devant la tentation de faire vite, le Dr Chemakh avertit: «Pour mieux cerner l'apport de la poésie de Matoub au renouvellement de la poésie kabyle, des études plus longues, plus détaillées doivent être faites». Cela suffit pour dire que le chant «matoubien» est le miroir de la société et de son temps! Aujourd'hui, sur toutes les lèvres, la phrase matoubienne qui peut apparaître pour d'aucuns comme une griffure et une agression même, n'est à l'évidence qu'une larme, un sanglot et un cri face à ce qui est fait de tamazight et contre tamazight!