Depuis son tout jeune âge, Saïd Chemakh a choisi d´être un homme libre et de vivre pour sa culture et langue amazighes que le pouvoir du parti unique et inique relayé par ses supplétifs qualifiés par Matoub de Kabyles de service, a tout fait pour réduire en cendres. Saïd Chemakh adhère au Mouvement culturel berbère très tôt et plus tard, ayant compris que tamazight a besoin de travail, il prend son bâton de pèlerin en se lançant dans des études supérieures dans le domaine amazigh. Au prix d´énormes sacrifices qu´impose le combat pour la vie, parfois pour la survie, Saïd Chemakh, a montré qu´un montagnard peut aller loin. Il décroche son doctorat en linguistique berbère à l´Institut des langues et cultures orientales (Inalco de Paris). Son promoteur n´est autre que Salem Chaker, une référence incontestable dans la culture berbère, auteur, entre autres, du livre Imazighen Assa. Saïd Chemakh revient alors dans sa ville et contribue à sa manière à la construction du département de langue et culture berbères de l´université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Aussi, il prend part à toutes les activités inhérentes à l´amazighité. Il est l´un des rares universitaires qui affiche courageusement et publiquement sa reconnaissance à l´apport incommensurable et désormais irremplaçable de Matoub à la civilisation berbère. Vendredi dernier, la région de Drâa El Mizan l´a reçu dans ses bras et lui a remis le Prix de la quatrième édition du prix Matoub-Lounès contre l´oubli, attribué par l´association Amgud. Juste après la réception de la distinction, Saïd Chemakh a répondu à nos questions. L´Expression: Vous venez de recevoir le prix Matoub Lounès contre l´oubli, quel est votre sentiment de voir votre nom associé à celui d´un homme de la trempe de Matoub Lounès? Saïd Chemakh: C´est avec fierté et plaisir que j´ai reçu cette bonne nouvelle. On ne peut qu´être honoré par une telle consécration. Je suis content qu´on reconnaisse le travail que j´ai fait pour la promotion de la langue et culture amazighes aussi bien au niveau du département de tamazight de l´université de Tizi Ouzou que dans les rangs du Mouvement culturel berbère, MCB. Je suis vraiment ému. Treize ans après le lâche asassinat qui l´a visé, Matoub Lounès reste dans tous les coeurs des Kabyles, aussi bien de ceux qui vivent en Algérie qu´à l´étranger. L´anniversaire de son assassinat est célébré partout et chaque année avec le même faste, comment expliquez-vous ce phénomène inédit en Algérie? Quand il est question de mort naturelle d´homme, les gens se recueillent sur sa tombe et finissent par faire leur deuil. C´est là toute une symbolique. Tant qu´il n´y aura pas de vérité sur les auteurs et les commanditaires de l´assassinat de Matoub Lounès, il ne peut pas y avoir de deuil psychologique pour la population. Le jour où toute la vérité sera connue concernant cet assassinat, les Kabyles feront leur deuil. Sinon, il va y avoir toujours cette récurrence à chaque date anniversaire que ce soit le 24 janvier (date de naissance de Matoub) ou le 25 juin. Ces deux dates seront toujours l´occasion de rappeler qu´on est là. En tant qu´universitaire, pensez-vous que les recherches qui se font autour de la poésie de Matoub sont suffisantes? Il y a beaucoup de choses qui restent à faire car l´oeuvre poétique de Matoub est inépuisable. Ce qui a été réalisé pour l´instant est insuffisant pour cerner une oeuvre aussi monumentale et diversifiée. Je dois dire qu´il y a des craintes qui sont exprimées quant à l´approche de l´oeuvre de Matoub Lounès car le Rebelle fait toujours peur. Les encadreurs et les promoteurs ont un rôle à jouer en ce sens qu´il y a un travail qui peut s´effectuer en direction des étudiants auquels il pourrait être proposé de travailler sur Matoub. Les sujets dans la poésie de Matoub, ce n´est pas ce qui manque, faut-il le rappeler.