Qui a allumé la mèche de la discorde entre les deux plus grands dignitaires du culte musulman en Algérie? Et pourquoi? Le coupable dans cette histoire de zakat n'est pas à chercher parmi les deux protagonistes de ce mini-scandale de «gros sous», mais certainement tapi dans l'ombre du secret. Le président du Haut conseil islamique, Cheikh Bouamrane, refuse d'accepter que l'argent de la zakat soit détourné de sa destination originelle, c'est-à-dire autre que celle que le Coran a prescrite. Cette «obole» doit aller dans la poche du pauvre. Pour le ministre des Affaires religieuses, M.Ghlamallah, ces fonds pourraient servir à créer des micro-entreprises, à donner de l'emploi aux jeunes et à les soustraire au fléau de la marginalisation. Et pourquoi pas, à booster le taux de croissance national. La sortie du ministre relève-t-elle de l'Ijtihad? Il n'y a pas de précédent, à ma connaissance, dans aucun pays du monde musulman où l'Etat a eu l'outrecuidance de vouloir faire main basse sur ce magot. La zakat, à défaut de transiter par la mosquée avant d'être reversée au pauvre, est, dans la plupart des cas, reçue par ce dernier des mains du croyant dans la discrétion recommandée. Alors, pourquoi cette levée de boucliers dans les deux camps retranchés de nos cheikhs bien-aimés? Et pourquoi ce n'est qu'en 2008 que cette question de zakat fait débat chez nous? Tous les standards moraux définissent avec la meilleure clarté vers qui doit aller cette offrande de solidarité. La vie politique algérienne génère si bien l'ennui que cette passe d'armes fait actuellement l'objet d'intenses commentaires dans toutes les chaumières du pays. C'est le sujet qui crée la controverse. Les Algériens sont au moins d'accord sur une chose: le versement de la zakat ne doit pas devenir un jeu de dupes tragique. Et épargnons-nous le fait de rappeler que les meilleurs principes finissent par avoir des conséquences perverses. Dans cette histoire de gros sous, n'a-t-on jamais osé poser la bonne question: le montant véritable ou approximatif de l'argent de la zakat versé par les Algériens pour situer les enjeux de cette «guerre de clochers». La déclaration publique de Cheikh Bouamrane est loin d'être un croc-en-jambe pour déstabiliser son rival du ministère des Affaires religieuses qui veut créer le poste de mufti de la République, empiétant sur les missions du HCI, déjà sérieusement rognées par l'activisme des hommes de Ghlamallah. Elle se veut juste un rappel au principe selon lequel le musulman ne doit pas déroger au Texte Sacré. Qui joue le rôle de vieil inquisiteur? Et qui peut se permettre des accommodements avec le Coran? Cette scène de ménage, de l'avis des croyants, vise à se débarrasser de la vaisselle ébréchée. La vaisselle ébréchée représente ici, les raisons profondes que l'on cache pour faire empocher l'argent du Bon Dieu par des personnes auxquelles il n'est pas destiné. Selon mes informations, ce serait l'ambassade des Etats-Unis à Alger qui aurait attiré l'attention du ministre que l'argent de la zakat servirait de pactole aux groupes terroristes algériens. La CIA, selon la presse américaine, avait déjà démonté le mécanisme de ce «blanchiment de la zakat» à partir des pays du Golfe. En Arabie Saoudite, au Koweït, aux Emirats, à Bahreïn et à Qatar, il existe des bureaux de bienfaisance (El Ihsane) qui opèrent à ciel ouvert. Ainsi, les groupes islamistes armés irakiens sont alimentés en armes, en munitions et en moyens logistiques grâce à cet argent des croyants. Qui a dit que le terrorisme n'a pas de religion? Les hommes d'Al Qaîda profitent généreusement de cette manne pour planifier et exécuter des attentats de par le monde. Ce sont des terroristes arrêtés à Baghdad qui ont vendu la mèche aux agents de la CIA. Bref, cet argent sert à alimenter les caisses d'Al Qaîda au Maghreb. Il leur faut donc vite tarir la source. C'est le coup de génie que croit avoir eu la CIA pour démêler l'écheveau dans cette «maison du diable». Le dernier entretien, qui a réuni le ministre des Affaires religieuses avec l'ambassadeur des USA à Alger, renseigne bien sur les dessous des préoccupations qui minent la CIA sur la destination exacte de la zakat des Algériens. Voilà, à mon sens, l'explication réelle et unique de ce débat sans précédent dans les annales de l'Islam chez nous. Il est bien vrai que derrière la grandiloquence des mots, exsudent souvent les desseins destructeurs. Ceux d'Al Qaîda et de la CIA en particulier. Comme il est bien vrai aussi que l'enfer est pavé de bonnes intentions.