Le président du Haut conseil islamique (HCI) invite le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs à « se corriger » et ne pas « confondre » entre l'investissement dans les biens wakfs et l'argent de la zakat. Le président du Haut conseil islamique (HCI) est revenu hier sur la polémique qui a éclaté entre lui et le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Bouabdellah Ghlamallah, à propos de ses déclarations sur la gestion du fonds zakat. En effet, le président du HCI, institution dépendant de la présidence de la République, avait précisé que l'argent de la zakat ne devrait pas être utilisé pour financer les microentreprises ou autres projets économiques, mais aller directement aux nécessiteux. C'était la semaine dernière dans l'émission « Tahaoulat » de la radio Chaîne I. A l'appui, il a cité le verset 60 de la sourate Tawba qui confirme expressément son exégèse. Il n'en fallait pas plus pour faire réagir le ministre des Wakfs qui a perçu la « précision » comme une déclaration de guerre du cheikh Bouamrane. « Il n'est pas un mufti ! », répond sèchement le ministre sur les colonnes d'un journal en ordonnant à ses collaborateurs d'organiser la riposte sous forme d'un communiqué via un autre journal. Aussi, une déclaration prêtée au président du HCI, selon laquelle des terroristes auraient bénéficié de la zakat, a-t-elle provoqué une « fitna » entre les deux institutions cultuelles. C'est donc pour prêcher la concorde que le cheikh Bouamrane a invité hier les journalistes afin de faire la lumière sur cette affaire. Ainsi, s'agissant du dernier point relatif aux terroristes, le président du Haut conseil islamique tient à démentir catégoriquement qu'il ait tenu ces propos. « Le CD d'enregistrement de l'émission est disponible, je n'ai jamais dit que les terroristes ont bénéficié de la zakat. Tout ce que j'ai dit à l'animatrice qui m'a posé la question, c'est que cette affaire relève de la compétence des deux ministères des Affaires religieuses et de l'Intérieur. » Quant à l'usage commercial ou économique de l'argent de la zakat, comme le préconise le département de Ghlamallah, le président du HCI persiste et signe. « C'est illicite, dès lors qu'il y a un verset coranique qui codifie la question. Il n'y a pas d'ijtihad (effort d'interprétation) avec le texte sacré ! », tonne cheikh Bouamrane, estimant que « je suis tout de même qualifié avec mes collaborateurs qui sont des savants de l'Islam pour distinguer le licite de l'illicite ». Et dans la foulée, le président du HCI invite le ministre à « se corriger » et ne pas « confondre » entre l'investissement dans les biens wakfs et l'argent de la zakat. Sur un autre plan, cheikh Bouamrane, titulaire d'un doctorat en philosophie, a levé un coin du voile sur les relations presque conflictuelles qu'entretient son institution avec le ministère des Wakfs. Il révélera ainsi que c'est le HCI qui a été à l'origine de la loi régissant les cultes non musulmans en Algérie promulguée en 2006, suite à une proposition formulée à la Présidence comme solution pour lutter contre le prosélytisme religieux. Il affirmera également qu'il s'était opposé à l'installation de Dar El Ifta (institution de prédication) que devait présider le mufti de la République, tel que proposé par le département de Ghlamallah. « Nous avons expliqué au chef du gouvernement qui a demandé notre avis, qu'il était mal à propos de créer une institution lourde à la façon d'un ministère avec ses directions et ses structures locales. En fait, c'était un ministère bis qui était projeté. » Cheikh Bouamrane n'a pas manqué de souligner que la présidence de cette structure fait courir beaucoup de monde, notamment parmi les cadres du ministère des Affaires religieuses. « Des gens font le pied de grue nuit et jour devant la porte du ministère et de la Présidence dans l'espoir d'obtenir le poste », ironise-t-il. M. Bouamrane précise néanmoins que le mufti de la République devrait être une personne « moralement irréprochable et intellectuellement compétente » pour être à la hauteur d'une mission aussi sensible qu'importante.Transition faite, le président du Haut conseil islamique ne s'est pas empêché de remuer le couteau dans la plaie du hadj en confirmant « tout ce qui a été écrit dans la presse » sur la gestion catastrophique du pèlerinage. « Nous avons ici un membre du HCI qui nous a raconté exactement la même mésaventure vécue par les hadjis et rapportée par les journalistes. » Cheikh Bouamrane voulait « éteindre le feu de la fitna » (la discorde) avec le ministre auquel il a adressé une « lettre-précision » dont il a distribué une copie aux journalistes non sans maintenir ses positions sur l'usage commercial de l'argent de la zakat. Pour lui, les choses sont claires et c'est en arabe dans le texte… sacré.